« Un spectre hante l'Europe – le spectre du Communisme » : telle est la phrase par laquelle est introduit l'un des ouvrages les plus emblématiques et les plus influents de Karl Marx et de Friedrich Engels, le Manifeste du Parti Communiste. Cet opuscule de seulement vingt-trois pages, qui parut le 24 février 1848 à Londres, entendait être le programme de la Ligue des communistes, une organisation issue du mouvement ouvrier allemand. Rééditée à maintes reprises durant la seconde moitié du XIXe siècle, cette brochure a par ailleurs connu une très large diffusion à travers l'Europe. Ainsi, s'il fallait examiner, même de la manière la plus superficielle, la structure générale du Manifeste, il en ressortirait une idée centrale : la notion d'opposition et d'antagonisme entre les classes sociales. Cette idée, que l'on pourrait qualifier de révolutionnaire, a bouleversé la vie intellectuelle et politique du XIXe siècle. Toutefois, s'il est vrai que Karl Marx donne un nouvel élan au mouvement social, on peut se demander si la théorie marxienne a véritablement introduit une rupture dans l'histoire de la philosophie et de la pensée socialiste. C'est là une problématique à laquelle il convient de répondre d'une part, en montrant que l'analyse de Karl Marx est fondée sur la critique des premiers socialistes et de l'idéalisme hégélien, et d'autre part, en soulignant que malgré ces critiques, Marx n'a pas véritablement rompu avec l'utopie socialiste. Enfin, nous verrons en dernière analyse que la révolution prolétarienne prônée par Marx permet à la fois de dépasser et de conserver cette utopie socialiste, puisqu'elle libère l'homme de son aliénation sociale et politique.
[...] Et en ce sens, le Manifeste du Parti communiste tend à implanter l'utopie de l'avenir dans la lutte du présent. Cette utopie de l'avenir repose en premier lieu sur la suppression de la propriété privée des moyens de production. Afin de se libérer de son asservissement, le prolétariat doit remporter son combat contre la bourgeoisie et abolir la propriété privée. Il ne s'agit donc pas de généraliser la propriété dans une perspective égalitariste, mais de supprimer une des conditions de l'aliénation économique et sociale du prolétariat. [...]
[...] Dans le Manifeste du Parti Communiste, Marx s'appuie sur ce même antagonisme afin de légitimer la lutte des classes. Il écrit que dans notre société, ceux qui travaillent ne gagnent pas et ceux qui gagnent ne travaillent pas. On voit bien qu'il existe une filiation plus ou moins directe entre l'idéalisme saint-simonien et la pensée marxienne. Par ailleurs, l'appréciation élogieuse de l'œuvre révolutionnaire de la bourgeoisie industrielle témoigne également de l'influence saint-simonienne. En effet, Karl Marx reconnaît je cite, que la bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle hautement révolutionnaire. [...]
[...] Ces mesures, que Marx qualifie de despotiques, sont l'essence même du programme du Parti Communiste. Les plus importantes d'entre elles portent sur l'expropriation de la propriété foncière, l'abolition du droit d'héritage, la multiplication des usines nationales, l'obligation de travail pour tous ainsi que l'éducation publique et gratuite de tous les enfants. Ainsi, l'application du programme communiste est censée aboutir à la suppression de la propriété privée, et par voie de conséquence, à l'abolition des classes sociales. Néanmoins, on a dit précédemment que l'abolition de l'Etat politique était un élément central de la pensée marxienne. [...]
[...] Sur quoi est fondé cet idéalisme historique ? Tout d'abord, l'idéalisme historique d'Hegel rejette en dehors de la véritable histoire humaine, tout ce qui a trait à la production, à l'industrie, et de manière générale, tout ce qui concerne l'évolution économique. L'idéalisme s'intéresse davantage aux actions politiques et à l'évolution de la pensée philosophique. Si l'on en croit Karl Marx, cet idéalisme défendu par les hégélianistes est le fruit d'une véritable aliénation politique et intellectuelle. En effet, la bourgeoisie adhère aux thèses de Hegel parce qu'elles permettent de légitimer la domination politique de cette bourgeoisie au sein de la société. [...]
[...] Ce socialisme scientifique est fondé sur l'analyse de certaines données empiriques, telles que le développement industriel ou la paupérisation du monde ouvrier. Par ailleurs, le socialisme scientifique a pour principal objet d'étude la lutte des classes, qui est le processus par lequel le prolétariat tente de se libérer de son asservissement. Cette lutte, qui s'inscrit dans un processus historique inéluctable, ne peut qu'aboutir à ce que Marx appelle la désagrégation de la classe dominante En ce sens, le socialisme scientifique est l'antithèse du socialisme utopique, qui exclut toute forme d'action révolutionnaire. [...]
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