Si l'on admet volontiers, depuis Aristote, que l'homme est un 'animal politique', c'est-à-dire qu'il est fait pour vivre dans le cadre d'une cité, la perception que l'on peut se faire de l'action politique varie grandement. Si Platon a composé la République, si Thomas More a écrit l'Utopie, c'est qu'ils concevaient un idéal dont l'action politique pouvait s'inspirer pour modeler le monde
[...] Au- delà du pis-aller, un idéal existe et l'action politique peut ou doit se donner pour but de le réaliser. Il faut concevoir qu'il est nécessaire de subordonner la politique à des lois morales, que Kant qualifie de lois a priori, c'est-à-dire qui ne reposent pas sur une connaissance pratique, une expérience : "Lorsqu'il s'agit de ce qui doit être moralement bon, ce n'est pas assez qu'il y ait conformité à la loi morale ; il faut encore que ce soit pour la loi morale que la chose se fasse, sinon, le principe qui est étranger à la morale produira sans doute de temps à autre des actions conformes, mais souvent aussi des actions contraires à la loi." L'action politique est donc tributaire de la loi morale, elle doit se donner pour but non seulement de la satisfaire, mais aussi de l'exprimer. [...]
[...] Il est donc nécessaire non de rechercher le moindre mal, mais avant tout d'amener le plus grand nombre d'électeurs à réfléchir sur les notions essentielles qui sous-tendent les programmes politiques. Le recours à la démagogie, la simplification des discours sont des dangers qu'il faut combattre par une action politique résolue. A l'heure où certains verraient sans déplaisir une réforme de l'enseignement qui l'orienterait vers un utilitarisme immédiat, on comprend que défendre l'enseignement de la philosophie n'est pas la recherche du moindre mal car ce serait déjà accepter le mal - mais celle du souverain bien. [...]
[...] Conclusion L'action politique, comme toute démarche réfléchie, est orientée vers un but. Cette fin est à l'évidence le pouvoir, recherché pour lui-même ou pour les satisfactions indirectes qu'il procure. Pour des hommes désintéressés, idéalistes mais désabusés, l'action politique peut se limiter à la recherche du moindre mal : les hommes ne sont perfectibles que dans une faible mesure, il faut tenir compte du jeu des forces politiques opposées, la réalité oppose au changement sa force d'inertie. Nous avons vu, également, qu'une volonté perverse peut s'exercer dans l'action politique, et qu'elle peut vouloir changer jusqu'aux notions morales qui permettent de définir le bien et le mal. [...]
[...] Le premier fait bon marché de la morale, le deuxième est sous la menace permanente d'un effet pervers : au contact de "la nature des choses" - selon une expression du général de Gaulle les idéalistes pourraient être conduits à admettre que l'action politique est la recherche du moindre mal. Parallèlement, il faut prendre en compte une troisième vision de l'action politique, qui renverse les valeurs morales communément admises. Cette conception se trouve exprimée dans le Gorgias de Platon, où le jeune Calliclès soutient des propositions qui annoncent les thèses de Nietzsche : "La nature et la loi s'opposent l'une à l'autre. Les lois sont faites pour les plus faibles et par le grand nombre. [...]
[...] Pour financer des campagnes électorales, pour alimenter les caisses des partis, des moyens frauduleux ont été employés. Quand l'on veut accéder au pouvoir, ou s'y maintenir, il est possible et tentant de déconsidérer l'adversaire, voire de le pousser au suicide, comme ce fut le cas pour Roger Salengro à l'époque du Front Populaire : de telles méthodes ne sont donc pas réservées aux régimes dictatoriaux, elles peuvent parfaitement se rencontrer dans un cadre démocratique, sans remettre en cause les institutions. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture