Si par morale on entend ce qui se rapporte au « devoir vivre », au fait de devoir donner un sens moral à sa vie au nom de la faculté rationnelle de l'homme de savoir faire intérieurement la différence entre le Bien et le Mal ; et si par politique (prise au sens large du terme), on entend ce qui renvoie à la réalité bien concrète de la vie commune des hommes entre eux ; alors morale et politique vont s'opposer comme l'idéal s'oppose à la réalité, la théorie à la pratique, l'abstrait au concret. En effet, d'un côté se trouve des rapports entre les hommes fondés sur des valeurs morales (normes rationnelles) telles que la justice, l'égalité, la fraternité, la liberté ; et d'un autre côté (monde politique), nous ne pouvons que constater la réalité de la lutte des intérêts particuliers entre eux, lutte pour le pouvoir et la conservation individuelle qui paraît incompatible avec l'idéal moral de paix entre les hommes accessible par la raison, faculté de créer des concepts par excellence et donc de gommer les différences qu'offre la matière au nom de la logique qui découle des lois de la pensée humaine.
D'où le fait qu'il semble se dessiner, dans un premier temps, comme une sorte de rupture entre morale et politique fondée sur cette opposition idéal/réalité, théorie/pratique, âme/corps, intériorité/extériorité, raison/désir au bout du compte. Cependant, dans la mesure où nous ne saurions ignorer que la politique, par le biais de la loi, se propose de réaliser une vie commune dans laquelle la liberté de chacun est compatible avec la cohésion du groupe social ; il semble bien dans cette mesure que tout progrès politique soit forcément moral puisque la politique, au même titre que la morale, semble vouloir réaliser ce qu'il y a de plus important à l'homme à savoir sa liberté d'action, laquelle repose forcément au préalable sur la liberté de penser qui implique la capacité pour le sujet de justifier ses raisonnements, de les tirer de lui-même abstraction faite de toute influence extérieure.
D'où notre questionnement : La politique peut-elle être indifférente à la morale au nom de l'opposition idéal/réalité ? La politique et la morale n'ont-elles pas un fondement commun sur lequel elle se recoupe (cf. liberté) ? Dans cette perspective, peut-on donner "corps", c'est-à-dire un caractère concret à l'exigence morale ? Tout système politique porte-t-il en lui cet idéal moral d'égalité et de liberté pour tous en dépit des différences hiérarchiques entre citoyens d'une même société ? (...)
[...] La morale doit donc servir d'horizon à l'action politique. En effet, si la politique a besoin d'être soutenue par la morale, c'est à cause de sa complexité liée à son caractère collectif et historique, et par voie de conséquence amené à changer. La morale, de par sa nature intelligible, qui peut découler soit de Dieu pour la religion, soit du monde intelligible pour Platon à travers le Bien, soit des lois de la raison humaine avec Kant (comme nous allons le voir à l'instant), amène une certaine dose d'égalité et invite chaque homme à être engagé activement sur le terrain politique, à s'en remettre à des choix dictés par sa propre raison en clair ce qu'est la définition même de la liberté de penser et d'agir. [...]
[...] C'est ici que prend tout son sens la différence entre contrainte (externe) et obligation (interne) mentionnée par Rousseau dans du contrat social (1762). Alors que la contrainte pour ce dernier relève de l'arbitraire humain, lequel tend à nier ma liberté puisqu'il s'agit d'une force extérieure, celle d'un autre plus fort moralement ou physiquement qui agit sur moi ; a contrario, l'obligation morale de la loi est fondée en raison et s'adresse ainsi à la liberté ou à l'autonomie de la raison de chacun susceptible de la saisir intérieurement et d'agir conformément à cette dernière. [...]
[...] Ainsi que l'écrivait Kant, la vraie politique ne peut donc faire un pas sans avoir auparavant rendue hommage à la morale La morale donne donc son principe à la politique et se fonde en raison, laquelle fait de l'homme un être à part dans la Nature, libre de se soustraire aux seules lois déterministes qui enchaînent son corps à la Nature, et ce, grâce à l'usage de sa raison qui le place au-dessus de tous les autres êtres vivants et choses inertes sur la terre. Mais la morale est également ce qui va donner son idéal à la politique en particulier. [...]
[...] Relations entre morale et politique C'est précisément contre cet état de lutte de chacun contre chacun basé sur la conservation uniquement physique (mentionné par Machiavel et Hobbes ci- dessus) que va s'instaurer la politique et ce, par la constitution de lois écrites que seuls peuvent forger des êtres rationnels. Ces lois ont pour finalité de garantir la stabilité du corps politique, en établissant de nouveaux rapports entres les hommes non plus basé sur des rapports de force comme c'est le cas dans le monde animal où c'est la loi du plus fort qui prévaut, les gros poissons mangeant les petits en vertu d'une nécessité naturelle, d'un Droit de Nature en somme. Ainsi, cette du plus fort'' repose sur la force au sens physique du terme. [...]
[...] En conséquence, ainsi que le montre Machiavel, les alliances politiques peuvent se modifier voire se dissoudre totalement au regard des changements de situation elle-même. La politique demande certes une connaissance de son temps à l'homme d'action qui gouverne, mais cette connaissance ne peut, au nom de son caractère non immuable, valoir en tant que science exacte, et l'homme politique n'est pas un homme de savoir en ce sens. C'est ainsi que l'affirme Aristote selon lequel l'homme est par nature (essence) un animal politique : l'homme politique est celui qui incarne la prudence ; en d'autres termes pour Aristote, il dispose de la capacité d'anticiper ou de déceler, à la lumière de l'expérience passée, toutes les possibilités que contient une situation (cf. [...]
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