Beaucoup d'États existant actuellement ou ayant existé fonctionnent avec des régimes de type tyrannique, dictatorial ou despotique. Même notre époque, qui passe pour une phase de démocratisation et de propagation de la liberté et des droits de l'homme, compte un nombre incalculable d'atteintes à la liberté humaine, y compris d'ailleurs dans les régimes se proclamant démocratiques. Mais, si l'homme est souvent dans un état de servitude en fait, il reste en droit un être libre et apte à revendiquer sa liberté : « l'homme est né libre, et partout il est dans les fers » comme le dit Rousseau au début de son livre "Du contrat social". Quel intérêt l'homme peut-il donc trouver à vivre dans un régime despotique ? Qu'est-ce qui pousse les hommes, même en démocratie, à appeler parfois de leurs vœux et par leurs votes un dictateur au pouvoir ?
[...] Dans un extrait de son Traité politique, Spinoza montre que la paix n'est rien sans la liberté, et que par conséquent les hommes n'ont aucun intérêt à rechercher la sécurité apportée par les régimes despotiques. Nous verrons donc d'abord pourquoi, d'après le texte, le despotisme semble favorable à la paix, puis les raisons pour lesquelles cette paix n'a aucun intérêt, et enfin nous redéfinirons cette notion en y intégrant l'idée de liberté, si bien que paix et liberté s'avéreront en définitive compatibles [I. [...]
[...] [2. L'analogie de la Cité et de la famille] Pour illustrer son propos, Spinoza va user d'une analogie entre la Cité et la famille. Il est en effet possible de comparer le pouvoir du chef de famille au pouvoir d'un dirigeant sur son peuple. Bien que famille et Cité ne soient pas strictement identiques, on peut malgré tout établir une égalité de rapports entre elles, c'est-à-dire une analogie: les parents sont aux enfants ce que les gouvernants sont aux gouvernés. [...]
[...] Et alors il n'est rien pour les hommes de si lamentable que la paix puisque le bien suprême et absolu est la liberté. Autrement dit, si l'obtention de la paix réclame le sacrifice de la liberté, la paix est alors paradoxalement le pire des maux; même la guerre lui est préférable, les conflits ayant souvent lieu au nom de la liberté. Peut-on condamner la Résistance française, pendant le dernier conflit mondial, d'avoir troublé l'ordre public et la sécurité des citoyens, par ses actes que le pouvoir qualifiait de terroristes alors qu'elle visait la libération du pays? [...]
[...] Cela n'est certes pas une incohérence, mais implique une redéfinition philosophique du terme, et non plus inspirée directement de l'opinion courante. Alors que celle-ci ne voit dans la paix que l'absence de guerre définition toute négative, Spinoza la considère positivement comme une union des âmes traduction étymologique de la concorde. La paix entendue en ce sens appelle la démocratie, et non le despotisme, puisque la loi votée par le peuple et appliquée égalitairement à tout le peuple peut seule symboliser cet accord des esprits sur des valeurs politiques. [...]
[...] Sans quoi les lois peuvent bien avoir valeur de contrainte, elles ne sauraient constituer une obligation morale: le sujet d'un régime despotique n'obéit que parce qu'il est forcé d'obéir, mais ne reconnaît pas intérieurement la valeur de la loi établie, puisqu'il n'a pu en décider. Avec la deuxième partie de ce texte, Spinoza fait donc changer la philosophie politique d'horizon : le bien suprême n'est plus la paix, comme le déclarait Hobbes, mais la liberté, quand bien même la paix devrait lui être sacrifiée. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture