Définition, philosophe, Socrate, La République
La définition du philosophe est un problème qui n'a pas quitté la philosophie depuis son origine : ce problème a un corollaire simple, il faut que la saisie de ce qu'est un philosophe en vienne à exclure du même coup tout ce qui n'est pas philosophe, sinon la saisie n'est pas valide. Or Socrate semble, dans La République (livre V) tomber dans cet écueil après une remarque de Glaucon qui lui montre que ce qu'il appelle philosophe semble être tellement large que cette catégorie inclurait les amateurs de spectacles.
Si ce problème se pose à Socrate c'est parce qu'il défend la thèse selon laquelle les philosophes doivent être les gouvernants de la cité en paroles et qu'il est donc amené à les définir comme ceux qui aiment étudier et qui ne se lassent jamais de l'étude ; ceux-là peuvent en effet apparaître tels des amateurs de spectacles recherchant toujours plus de belles choses sans se lasser. Ce problème se révèle d'autant plus crucial que sans saisie adéquate de ce qu'est un philosophe, il semble impossible de pouvoir affirmer que les philosophes doivent gouverner. Le problème auquel fait face Socrate en 475d-476d fait donc partie de la « troisième vague » (montrer que les philosophes doivent gouverner) au sein du livre V, la plus difficile à surmonter. Le problème est donc simple : la manière dont Socrate a saisi le philosophe semble trop lâche et inclure des cas indésirables comme le fait remarquer Glaucon, il s'agit donc pour Socrate de préciser ce qu'il entend par philosophe. En somme, le problème peut être formulé de la sorte (cela sera précisé par la suite) : peut-on saisir ce qu'est un philosophe de manière à exclure tout ce qui n'est pas philosophe et en particulier ce qui semble être philosophe sans l'être ? L'objet du texte est donc cette distinction qui est la solution du problème : une distinction entre la connaissance et l'opinion qui recoupe une distinction entre le philosophe et l'amateur de spectacles.
[...] Ce que Socrate entend par « plusieurs » peut ici être entendu au sens d'une fluctuation prédicative : on peut attacher au sujet S le prédicat F sous un rapport α, mais sous un rapport β c'est le prédicat (avec signifiant non-F) qui lui sera attaché Ainsi, c'est parce que le beau se présente dans le réel dans des actions, des corps et même mélangé avec le juste, l'injuste, etc. qu'il est légitime de parler de « plusieurs », et on a vu en quel sens on pouvait le faire. [...]
[...] L'un s'attache à la chose comme « une », l'autre à la chose comme « plusieurs ». On peut même dire que Socrate a démontré plus qu'il n'en fallait : il a en effet mis à part les philosophes et empêché toute confusion ultérieure comme celle de Glaucon qui est à l'origine du problème dont le dialogue traite. La solution de Socrate semble d'autant plus pertinente que son « coût ontologique » (ou métaphysique apparaît comme faible : il suffit de se laisser guider par l'argumentation de Socrate comme le fait Glaucon et de reconnaître que les réalités sensibles ne sont pas les vraies réalités. [...]
[...] Ces amateurs de spectacles raisonnent donc ainsi, ils ne voient que la belle vierge, que l'or, que les belles chansons mais ne croient pas que le beau puisse être quelque chose d'autre. Encore une fois, l'Hippias majeur nous éclaire : même après les trois tentatives que Socrate réfute lui-même (le beau est le convenable, le beau est l'utile et le beau est l'agrément des yeux et des oreilles), Hippias se révèle toujours incapable de faire une conjecture sur le beau qui prenne en compte la totalité du beau et non une partie du beau, ainsi il tombe toujours dans des réfutations faciles et commet ce qu'on appelle en logique un cercle puisqu'il utilise le terme à définir dans sa définition. [...]
[...] A noter que Socrate restreint donc son argumentation aux choses qui ont un contraire, c'est ce que Julia Annas (et d'autres commentateurs) appelle dans son Introduction à La République de Platon « l'argumentation des contraires ». Socrate passe, une fois cela posé, à un autre stade de l'argumentation : du fait que deux choses sont opposées, donc différentes, il en infère qu'elles sont unes : cet argument est déjà moins intuitif que le premier mais il en découle logiquement, il s'agit de comprendre pourquoi. [...]
[...] ; que signifie que chaque chose paraisse « plusieurs » ? : l'ajout semble d'abord tout à fait arbitraire puisque jamais Socrate n'en a fait mention précédemment dans son argumentation dans le texte. En réalité l'ajout n'est pas si spécieux car il découle du fait que Glaucon a posé une question plus haut dans La République : l'amateur des spectacles, celui qui s'intéresse à toutes les formes de spectacles (donc à toutes les formes du beau) est-il philosophe ? Socrate ne fait donc que reprendre un prémisse de l'argument de Glaucon qui supposait que le beau (dans le cas de l'amateur de spectacles) était éclaté entre différentes choses : de belles poésies, de belles tragédies, de beaux spectacles, etc., etc. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture