"Le Prince, Machiavel (1513) - chapitres XV et XVIII

Résumé du document

La pensée de Machiavel a beaucoup souffert des tensions qui existent entre la conception théorique de l'auteur, et les interprétations et utilisations qui en ont été faites par la suite. Pour Raymond Aron "Machiavel est peut-être le premier des clercs qui ont, effectivement, contribué à donner bonne conscience aux méchants."

Cependant, "Le Prince" de Machiavel, écrit en 1513, innove dans la pensée du politique. Cette œuvre s'enracine dans la crise de Florence au tournant du XVe et du XVIe siècle, mais elle est marquée par sa prise de distance par rapport à l'histoire immédiate dans laquelle elle s'inscrit pourtant. Machiavel dédie Le Prince à Laurent de Médicis.

Cet ouvrage traduit d'abord les ambitions politiques d'un fonctionnaire déçu par sa cité, et qui compte sur le retour au pouvoir de la famille des Médicis pour accéder, peut-être, au rang suprême de conseiller florentin. Mais c'est surtout une méditation sur le pouvoir politique. Machiavel cherche à dégager les conditions de la conquête, de la conservation et de l'exercice équilibré du pouvoir.

Extraits

[...] Machiavel reprend à son compte ces conceptions des relations entre la conduite morale, la Fortune et la réalisation par les princes de leurs objectifs. Il reconnaît que les princes sont caractérisés par certaines qualités morales qui leur apportent louange ou blâme et il énumère une série de couples antithétiques (généreux/rapace, parjure/loyal), dans la somme desquels on pourrait puiser les ressources pour dessiner le portrait idéal du Prince. Il concède, dans la ligne de l'enseignement humaniste, qu'il serait moralement bon de trouver toutes ces qualités dans la personne du prince, mais et c'est là que la rupture se produit - c'est à la fois impossible et dangereux pour lui. [...]

[...] Puis, Machiavel explique que la nature de l'homme se dédouble à nouveau, entre lion et renard. On a une structure en abîme : l'homme est à la fois animal et homme et en tant qu'homme, il doit être lion et renard. Pourquoi le lion et le renard ? Parce que le lion ne se défend pas des rets (filet pour attraper oiseaux et poissons, piège), le renard ne se défend pas des loups. Il faut donc être renard pour connaître les rets et lion pour effrayer les loups. [...]

[...] Dans un même mouvement, la foule se laisse duper par les paroles de bonne foi du prince et convaincre par les résultats de ses actions contraires, ce qui le maintient au pouvoir. Pour Machiavel, le vulgaire la foule, se laisse duper car elle ne voit que les apparences, les belles paroles, et l'issue de la chose La formule la fin justifie les moyens serait ici cependant déplacée et Machiavel ne la prononce pas. Pour Machiavel, il s'agit plutôt de l'usage exceptionnel de certains moyens cruels dans les seuls cas où il n'existe pas de moyens plus appropriés à la réalisation de cette fin. [...]

[...] A écrit Léo Strauss Le réalisme politique comme clef de voute de l'art de gouverner Les 14 premiers chapitres du Prince de Machiavel sont une analyse de la conquête. Le chapitre 15 s'ouvre sur une réorientation explicite de son propos : Il reste maintenant à savoir quels doivent être les façons et les gouvernements d'un Prince envers ses sujets et amis Il s'agit d'envisager les conditions de la pérennisation de l'autorité souveraine. Machiavel utilise ici le terme ami qui demande à être clarifié. [...]

[...] Donner au Prince des conseils à partir de situations imaginaires ne serait à ses yeux pas pertinent. On parle de réalisme politique puisque Machiavel s'attache à suivre la réalité effective des choses plutôt que l'idée que l'on s'en fait. La réalité effective c'est la vérité de l'écart entre l'être et le paraître. Il ajoute qu'« il y a de si loin de la façon dont on vit à celle dont on devrait vivre que celui qui laisse ce qui se fait pour ce qui devrait être apprend plutôt à se détruire qu'à se préserver Le Prince serait fou de prétendre changer les hommes, qui ne sont pas bons En partant de la réalité effective il pourra faire en sorte de maintenir son pouvoir. [...]