De l'Esprit des lois fut publié en octobre 1748 et déclencha des réactions hostiles notamment de la part des Jésuites, des Jansénistes et de la papauté.
D'ailleurs, l'ouvrage fut mis à l'index en 1751 : Rome lui reprochait des développements considérés comme impies, un trop grand scepticisme envers
la religion révélée et des influences déistes proches de la religion naturelle. D'autres mettaient en cause les idées politiques de Montesquieu, notamment
les analyses sur la démocratie. Le pouvoir aurait préféré que l'auteur s'en tînt à la monarchie absolue.
L'esclavage existe depuis l'Antiquité et se maintient dans tout le bassin méditerranéen. Au XVIe siècle, à la suite de la découverte de l'Amérique, l'Espagne développe la traite négrière dans ses colonies d'Amérique. Séville est un centre important de vente d'esclaves. Puis, les Portugais deviennent les plus importants pourvoyeurs d'esclaves en déportant les habitants d'Afrique vers les « Indes », c'est-à-dire les nouvelles colonies du continent américain. Ensuite, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, les Hollandais deviennent les investigateurs du trafic négrier, auquel s'associent, au cours du XVIIIe siècle, les Anglais et les Français, dans le « commerce triangulaire » entre l'Europe, l'Afrique et l'Amérique. Les différentes nations européennes se disputent « l'asiento », sorte de traité accordant le privilège et surtout le monopole commercial de la traite des esclaves.
[...] Ce texte mis au point par Colbert ne fait que confirmer les pratiques courantes et particulièrement inhumaines : un esclave qui s'échappait pour la première fois pendant plus d'un mois avait les oreilles coupées et était marqué au fer d'une fleur de lys. La deuxième tentative lui valait d'avoir le jarret coupé. A la troisième, il était mis à mort. Ces dispositions furent considérées, lors de leur publication, comme une réelle amélioration du sort des esclaves. L'abolition de l'esclavage concerne plutôt le XIXe siècle : la guerre de Sécession en est une étape importante. Mais c'est l'Angleterre qui s'engagea pour la suppression de la traite des Noirs. [...]
[...] L'appel à des coutumes irrationnelles pour garantir et cautionner l'esclavage souligne le peu de solidité des arguments esclavagistes. C'est à travers cette fausse démonstration que Montesquieu fait passer sa thèse qui dénonce et condamne l'esclavage comme un procédé dépourvu de justification, contraire à la religion et au respect de la nature humaine. Et la force de la démonstration vient précisément du caractère absurde, non fondé, illogique et incohérent des arguments avancés par les esclavagistes, arguments dont aucun ne résiste à une analyse utilisant comme critères le bon sens, les valeurs humaines, les valeurs religieuses et les valeurs morales universelles. [...]
[...] La mauvaise foi des esclavagistes. Si on résume ces arguments éclatés dans neuf paragraphes, la justification de l'esclavage repose sur quelques notions : la nécessité de remplacer une main-d'œuvre exterminée par les Européens, par le souci de rentabiliser la production du sucre : main-d'œuvre moins chère et prix de revient moins élevé, par l'aspect extérieur des Noirs qui justifierait qu'ils ne soient pas considérés comme des hommes à plaindre, comme des chrétiens encore moins comme des êtres dotés de réflexion et enfin par des références pseudo-culturelles. [...]
[...] Guerre servile ! La plus juste qui ait jamais été entreprise, parce qu'elle voulait empêcher le plus violent abus que l'on ait jamais fait de la nature humaine.» (Pensées, 89) Le prix du sucre ne saurait justifier l'exploitation d'une main-d'œuvre maintenue en esclavage. Sur l'argument économique, Montesquieu déclare : ne sais si c'est l'esprit ou le cœur qui me dicte cet article-ci. Il n'y a peut-être pas de climat sur la terre où l'on ne pût engager au travail des hommes libres. [...]
[...] Dans le chapitre XV de L'Esprit des lois, Montesquieu feint de tenir un discours esclavagiste. La situation est d'emblée placée sous le signe de l'hypothèse. Suivent neuf paragraphes assez courts qui déploient neuf arguments en faveur de l'esclavage. Il s'agit bien d'un texte argumentatif qui énonce une thèse et qui la défend en argumentant : les nombreux liens logiques qui émaillent le texte sont là pour articuler une pensée qui vise à persuader. Pourtant, il ne faut pas s'en tenir à l'impression laissée par la première lecture : le lecteur doit être attentif à quelques vices de forme dans cette pensée qui semble reposer sur une logique rigoureuse. [...]
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