L'auteur reconnaît un idéal de la justice en écrivant qu'« il est juste que ce qui est juste soit suivi ». Mais il fait preuve aussi d'un grand réalisme en affirmant qu'« il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi ». Ces deux postulats sont-ils contradictoires ? Non, car si l'auteur nous livre deux constats, c'est en faisant valoir que l'un répond à un idéal, et que l'autre constitue un aperçu de la réalité des choses. Il serait souhaitable que ce qui est juste soit suivi, mais force est de constater que c'est nécessairement ce qui est le plus fort qui est suivi. Loin d'être une contradiction, ce dualisme représente en effet la coexistence de l'idéal et de la réalité. Il existe aussi bien la loi la plus juste que la loi du plus fort. Cependant, ces deux lois s'opposent, car elles répondent à des exigences différentes : l'une se concerne avec la poursuite de la justice, et l'autre avec l'exercice de la force et le maintien du pouvoir.
[...] Car pour Hayek, justice sociale n'était qu'un prétexte pour appliquer la force. Peu importe qu'on ait à faire au juste fort ou au fort qui se croit juste, la combinaison pour Hayek de pouvoir et de projets sociaux mis en œuvre pour la justice sociale représentait une menace de tyrannie en soi. Mais est-ce que l'économiste tranche entre le juste capable de devenir fort ou le fort qui se croit juste ? Il semble qu'il raisonnait en tant que le moindre mal et voyait le premier comme étant plus dangereux (tout projet étatique ou international de justice sociale aboutirait à des abus de pouvoir), et préférait voir le fort devenir juste. [...]
[...] Celui-ci affirme l'existence d'un droit naturel, qui se situerait au-delà de tout droit positif. En effet, il relève que le droit positif n'est qu'une série de règles, et que ce droit peut être parfaitement arbitraire, peu importe sa prétention à incarner la justice. Mais si certains affirment l'existence d'un droit naturel, il n'en demeure pas moins qu'il n'existe pas de consensus sur la justice et que celle-ci est en effet sujette à dispute Mais l'auteur relève ensuite que la force puisse contredire la justice, et puisse donc dire que c'est elle qui était juste Ceux qui détiennent la force imposent en effet leur conception de la justice. [...]
[...] Il est des cas où l'exercice de la force, sans contraintes particulières, peut être bénévole : on peut songer à la notion de la dictature éclairée. Mais encore, l'Histoire nous enseigne que de tels exemples restent l'exception, et que la force sans justice a souvent résulté dans le despotisme et l'injustice. Justice et force sont donc avant tout, non seulement complémentaires, mais nécessaires l'une pour l'autre. Cependant, il existe une asymétrie importante : la justice sans force est une vertu sans voix. [...]
[...] Max Weber a écrit que l'État c'est le monopole de la violence légitime En effet, l'État ne saurait exister, ne saurait appliquer son droit sans son pouvoir de contrainte, sans le pouvoir de faire respecter ses règles et finalement, sa justice. De même, pour que la justice ait un impact sur le quotidien de ses destinataires, il faut bien qu'il y ait une force pour l'appliquer. Dans le système judiciaire français, le juge dispose de deux prérogatives essentielles : le jurisdictio, le pouvoir de dire le droit, mais aussi l'imperium, l'autorité de faire exécuter ses décisions. En effet, la force est le sine qua non d'une justice efficace. Inversement, la force sans justice constitue la route vers l'arbitraire. [...]
[...] Dans l'un ou l'autre cas, on a pu voire non seulement les modalités difficiles de rendre le juste fort, mais aussi des dangers réels dans la présence d'une diversité d'opinions sur ce qu'est le juste. Le juste contestable et contesté de certains, qui devient fort peut potentiellement être aussi dangereux que le fort qui se croit juste. Hayek se méfiait du juste fort autant que le fort qui se croit juste. Pour lui, chaque conception de la justice reflète des intérêts. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture