« L'idéologie de mai 68 sera morte, le jour où dans la société, on osera rappeler chacun à ses devoirs. » Mise à part, l'idée sous-jacente de rompre et d'en finir avec les idéaux de mai 68, cette phrase proclamée par Nicolas Sarkozy durant sa campagne présidentielle est symptomatique d'un retour des idéologies au cœur des débats de nos sociétés. En effet, une lecture implicite de cette rhétorique, nous amène à comprendre très schématiquement la chose suivante : il faut rompre avec cette idéologie soixante-huitarde, car elle porte en elle les maux de notre société. Ce qui est très intéressant dans ce passage, c'est qu'en voulant mettre à mal un ensemble d'idéaux idéologique, il le fait lui-même par l'intermédiaire d'un discours idéologique. En d'autres termes, dans ce schéma, l'idéologie est remplacée par une autre idéologie, via un discours idéologique. L'idéologie serait donc partout. Ce postulat est défendu par de nombreux intellectuels comme Louis Althusser ou plus récemment par Bernard Henri Lévy. Il y aurait donc pour reprendre l'idée de ce dernier une nature idéologique du langage. Le discours serait par lui-même idéologique. Roland Barthes ira plus loin en disant que « parler n'est pas communiquer, c'est assujettir ». Dans le même registre et plus significativement encore, Buzon dira que « le mot est le phénomène idéologique par excellence » . Le « tout idéologique » apparaît à bien des égards comme une évidence. Or, depuis une vingtaine d'années, en lien entre autres avec la fin de l'emprise idéologique de la guerre froide, cette thèse est de plus en plus remise en cause. Olivier Reboul fait partie de ces auteurs qui soutiennent l'existence d'un discours idéologique à part entière, c'est-à-dire un discours en opposition à d'autres formes de discours qui ne seraient pas eux idéologiques. Pour reprendre les termes de Reboul, le discours idéologique serait un processus et non pas seulement un procédé. Toute cette querelle théorique doit nous amener à redéfinir ce que l'on entend par idéologie. Ce terme depuis sa conceptualisation est empreint de malentendu, d'imprécision, d'ambivalence, bref il est extrêmement dépendant de l'auteur ou de l'Ecole à laquelle il se réfère. Aujourd'hui, nous allons partir de deux courants relativement distincts dans leur approche du fait idéologique : d'un côté, Olivier Reboul, philosophe français qui va s'efforcer de montrer que le langage n'est pas indéniablement idéologique et qu'il est possible grâce à la méthode de Jakobson de distinguer les caractéristiques propres du discours idéologique ; de l'autre côté, dans une tradition plus marxisante, nous développerons les travaux de Louis Althusser et sa perspective d'une théorie globale de l'idéologie. Avant cela, nous devons revenir sur la notion d'idéologie. Comment pouvons-nous la définir la plus précisément possible sachant qu'elle ne pourra convenir à la totalité des auteurs en présence ? Arbitrairement, nous dirons à la manière de Jean Baechler, professeur français de sociologie historique, qu'est idéologique « toute proposition ou tout ensemble de propositions, plus ou moins cohérentes et systématisées, permettant de porter des jugements de valeur sur un ordre social, de guider l'action et de définir les amis et les ennemis. » Chronologiquement, nous débuterons notre étude par une analyse des travaux d'Althusser et son dépassement de la vision marxiste de l'idéologie (I). Puis, nous nuancerons son ambition de créer une théorie totalisante de l'idéologie au travers de la présentation d'Olivier Reboul (II). Cela nous amènera dans un temps, à confronter ses deux modèles explicatifs et à les remettre en cause (III).
[...] Elle considère que le discours idéologique a pour objectif de légitimer un pouvoir au travers de procédés rhétoriques, de figures de style (clichés, mots hantises, des oppositions manichéennes . L'exemple le plus caractéristique de l'utilisation de cette méthode a été utilisé pour le livre de Georges Orwell Reboul note cependant un ensemble de difficultés à la vulgarisation de cette méthode. En effet, d'une part, il faut une ingéniosité certaine et d'autre part l'enchevêtrement toujours plus croissant des pouvoirs dans nos sociétés, rend difficile l'isolement des discours idéologiques respectifs. [...]
[...] Cet élément est extrêmement intéressant et important à comprendre, car Althusser souligne le fait que les idées n'existent pas en tant que telles, elles sont le fruit d'un ensemble d'actes (pratiques, rituels . ) régi par un appareil idéologique. Ainsi, on peut en conclure que l'idéologie est partout présente, car elle est ancrée dans les actes matériels des individus. Pour résumer en deux phrases cette première thèse de l'auteur, on peut dire qu' il n'est de pratique que par et sous une idéologie. [...]
[...] Or, depuis une vingtaine d'années, en lien entre autres avec la fin de l'emprise idéologique de la guerre froide, cette thèse est de plus en plus remise en cause. Olivier Reboul fait partie de ces auteurs qui soutiennent l'existence d'un discours idéologique à part entière, c'est-à-dire un discours en opposition à d'autres formes de discours qui ne seraient pas eux idéologiques. Pour reprendre les termes de Reboul, le discours idéologique serait un processus et non pas seulement un procédé. Toute cette querelle théorique doit nous amener à redéfinir ce que l'on entend par idéologie. [...]
[...] L'objectif suivant est justement de savoir, en quoi cette fonction du discours idéologique diffère-t-elle des autres discours ? Pour répondre à cette question, Reboul va regénéraliser son analyse en se demandant finalement pourquoi parle-t-on ? L'interprétation de cette seconde interrogation nous servira à répondre à la première. Pour cela, il va s'appuyer sur les travaux de Jakobson[19] et son analyse des six fonctions du langage (référentielle, expressive, incitative, poétique, phatique, et métalinguistique). Reboul prend bien le soin de préciser qu'une fonction n'apparaît que très rarement à l'état pur, un discours peut retranscrire plusieurs d'entre elles. [...]
[...] En d'autres termes et pour utiliser un vocabulaire marxiste, on peut dire que la superstructure (l'idéologie, la morale, la religion, les idées . ) est le reflet de l'infrastructure (la place de l'individu dans les rapports de production). L'argumentaire que va suivre Althusser est tout autre, mais la conclusion est la même, c'est-à- dire que l'idéologie n'a certes pas d'histoire, mais à la différence de Marx en un sens positif. En effet, en établissant une analogie avec l'inconscient de Freud, Althusser soutient l'idée selon laquelle l'idéologie est omni-historique c'est-à-dire en terme freudien éternelle C'est par ce fait que l'on peut la considérer comme non- historique. [...]
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