Dominique Schnapper n'est pas une philosophe ou une femme politique. Par conséquent, l'objectif de son livre s'intègre dans le cadre de l'objectif général de la sociologie, qui est de connaître la société de la façon la plus objective possible, et non de s'appuyer sur l'expérience pour justifier un discours normatif. L'objectif explicite de ce livre est donc simplement d'étudier les effets de la démocratisation de la république, non de la dénoncer. La république se définit par l'universalité du principe d'égalité formelle des citoyens, qui transcende les particularismes sociaux, ethniques ou religieux.
Mais, comme Tocqueville l'avait bien vu, l'égalité formelle est bientôt jugée insuffisante, et elle conduit à une revendication de l'égalité réelle, qui fonde et justifie l'existence d'un État-providence (ou welfare state), dont la nature est la redistribution des richesses. Le besoin d'égalité des individus démocratiques étant insatiable, les revendications sont de plus en plus importantes à mesure que l'État accepte leur légitimité ; cette dynamique démocratique conduit de façon inéluctable à l'acceptation par la république d'une forme de multiculturalisme ; l'équité se substitue à l'égalité, et les politiques de discrimination positive, inéluctables, car inscrites dans la logique même de la démocratie, finissent par remettre en cause l'universalisme républicain.
[...] QUELQUES MOTS SUR L'OUVRAGE Dominique Schnapper n'est pas une philosophe ou une femme politique. Par conséquent, l'objectif de son livre s'intègre dans le cadre de l'objectif général de la sociologie, qui est de connaître la société de la façon la plus objective possible, et non de s'appuyer sur l'expérience pour justifier un discours normatif. L'objectif explicite de ce livre est donc simplement d'étudier les effets de la démocratisation de la république, non de la dénoncer. La république se définit par l'universalité du principe d'égalité formelle des citoyens, qui transcende les particularismes sociaux, ethniques ou religieux. [...]
[...] Il se trouve que Dominique Schnapper est républicaine, comme elle le dit elle-même ; mais son analyse sur cette question est objective : les penseurs des droits culturels se posent explicitement comme ennemis de l'universalisme des droits. Ce livre a donc le mérite de clarifier les forces en présence. Il s'agit moins d'une opposition entre la république et la démocratie, comme le présente Dominique Schnapper, que d'une confrontation de la république à l'objection communautariste (mot qui a une connotation négative, mais qu'on peut parfaitement utiliser de façon amorale comme une simple réalité sociale et une revendication particulière). [...]
[...] À cette critique (exemplaire chez Marx) du caractère stérile de l'égalité formelle, les démocraties occidentales ont répondu par la création d'États-providence. Dominique Schnapper en conclut (peut-être un peu rapidement) que l'État-providence est issu d'une nécessité interne à la dynamique démocratique ce qui revient à tirer la nécessité de la contingence des faits historiques, quand il fallait certainement se contenter de l'interpréter comme une simple généralité. Ce détail importe assez peu, car les faits lui donnent globalement raison jusqu'à présent, mais il permet de comprendre pourquoi certaines thèses secondaires de l'ouvrage sont plus discutables : ainsi lorsque l'auteur affirme que tout acquis social est impossible à remettre en question (l'actualité récente, entre suppression des régimes spéciaux et augmentation de l'âge de la retraite, prouve le contraire), ou encore lorsqu'elle pose le fait ''nécessaire'' que tous les citoyens réclament toujours davantage de redistribution (alors que, manifestement, les deux derniers présidents de la République française se sont au moins en partie fait élire sur un programme de réduction des dépenses publiques, voire des impôts). [...]
[...] La démocratie n'aboutit pas nécessairement à l'acceptation de droits culturels, pour la simple et bonne raison qu'il n'existe aucune nécessité en politique. Le peuple est souverain, et il trompe trop souvent les prévisions des penseurs pour que l'on puisse accorder la moindre foi à l'idée d'une dynamique inéluctable ; rien n'est inéluctable en sociologie, parce qu'elle a pour objet l'humain, non la composition du granit. * La sérénité du climat politique et social ce que l'on appelle le ''vivre- ensemble'' dépend donc de l'opposition conjoncturelle et peut-être provisoire du communautarisme et du républicanisme, le premier étant extrêmement minoritaire dans le monde intellectuel et largement rejeté, pour l'heure, par les Français. [...]
[...] Il entendait par là la participation directe au pouvoir législatif (techniquement possible uniquement dans un État de très petite taille, tel que la Corse ou Genève), mais les penseurs républicains eurent beau jeu, suite aux États généraux de 1789, de se dire les représentants directs du peuple, autrement dit la Voix du peuple elle-même. C'est ainsi que nous en sommes venus à parler de démocratie représentative, une véritable aberration conceptuelle pour les penseurs de l'Ancien Régime. Dominique Schnapper dit très justement qu'il faut s'appuyer sur l'histoire pour penser la nation d'aujourd'hui ; son originalité est précisément d'interroger les concepts politiques contemporains à partir de leur réalité empirique présente et passée, c'est-à-dire en historienne et en sociologue. [...]
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