Il est sans doute difficile de définir abstraitement les qualités d'un « bon» État. Rousseau, en commençant par l'assimiler à un « État vraiment libre », préfère en souligner les conséquences sur la vie quotidienne des citoyens eux-mêmes: c'est ainsi en examinant les réactions ou les comportements de ses membres que l'État pourrait être jugé. S'ils participent par tous les moyens à leur disposition à la vie publique, les choses ne peuvent que s'améliorer; si à l'inverse, ils se désintéressent de leur propre devenir commun, « l'État est perdu ». Il existerait ainsi une possibilité de vérification empirique de la qualité et de la santé de l'État: que les affaires publiques l'emportent, dans l'esprit de chacun, sur les affaires privées, et que cela se constate dans les conduites.
[...] Or, la considération portée aux apparences plutôt qu'à l'être constitue pour Rousseau une faute, peut- être métaphysique, mais dont les conséquences sont sociales et politiques. [II - Public et privé] [A. le bonheur commun] Dans un État convenable, les affaires publiques 'l'emportent sur les affaires privées. Il ne s'agit pas là d'affirmer un principe théorique. Pour Rousseau, cette prédominance des affaires publiques s'inscrit dans l'esprit des citoyens et concerne ainsi chacun d'entre eux. C'est en quelque sorte par définition que le citoyen est d'abord défini relativement à la sphère publique: son nom même le lie à la cité, à l'existence commune. [...]
[...] Intérêt pour le débat] Le troisième indice avancé par Rousseau pour distinguer les bons États des mauvais paraît cependant d'une incontestable actualité. Il est simple: quand la cité est bien conduite, chacun vole» aux assemblées. Qu'il parle de cité» importe peu. Il suffit de comprendre que lorsqu'un État est bien gouverné, chacun se préoccupe de la vie publique, par exemple en votant (puisqu'il est nécessaire, en raison de la dimension des États modernes, de passer de la démocratie directe à la démocratie représentative, même si, dans certaines circonstances - référendum ou élection présidentielle par exemple - la démocratie redevient directe). [...]
[...] Il va de soi qu'il ne saurait s'agir d'un État soumis à un autre, mais le vrai sens de l'expression est ailleurs. Il est en rapport avec la formule par laquelle Rousseau définit précisément la véritable liberté c'est-à-dire la liberté politique, celle qui touche chaque citoyen: elle est l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite En d'autres termes, la loi qui émane de la volonté de tous, de volonté générale est garante de la liberté (en même temps que de l'égalité). [...]
[...] Aussi Rousseau s'autorise-t-il une espèce de maxime: Les bonnes lois en font faire de meilleures, les mauvaises en amènent de pires qui paraissent en effet résumer la situation. Un bon État, suscitant la participation de tous au bonheur commun, ne peut que s'améliorer, alors qu'un mauvais État, développant des défauts qui obligent chacun à se préoccuper de ses affaires puisque le gouvernement en est incapable, ne peut qu'empirer, en raison même du désintérêt de tous. [C. Les remèdes] Cette conclusion n'est-elle pas néanmoins un peu trop schématique? [...]
[...] Faut- il comprendre que le bonheur public apporte à chacun de telles satisfactions qu'il na plus grand-chose à espérer? Ou alors que les conditions mises en place par le public rendent plus facile l'accès à un bonheur privé? Les deux interprétations sont loin d'être équivalentes. La première peut mener à une uniformisation de l'existence, alors que la seconde fait seulement valoir que le rôle de l'État consiste à garantir à tous des conditions de vie (de sécurité, de santé, de confort, etc.) suffisantes pour que chacun puisse ensuite définir et trouver son bonheur personnel. [...]
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