Françoise Mélonio, professeur émérite à la Sorbonne et à Sciences-po est également responsable de l'édition des œuvres complètes de Tocqueville, comme le furent également Raymond Aron ou François Furet avant elle. Elle a donc permis la publication de plusieurs éditions d'œuvres de Tocqueville qu'elle a préfacées et a aussi rédigé deux essais : Tocqueville et les Français en 1993, collection Aubier à Paris et Naissance et affirmation d'une culture nationale. La France de 1815 à 1886, en 2001 aux éditions du Seuil.
Tout comme ses prédécesseurs, elle est donc une spécialiste de Tocqueville qui tente d'éclairer ses lecteurs en développant une analyse nouvelle de l'œuvre de plus de trente volumes. Tandis qu'Aron avait étudié la dimension politique de l'œuvre et François Furet, la thèse sur la révolution et l'ancien régime, Françoise Mélonio propose, dans un esprit pluridisciplinaire, de lier la vie et l'œuvre de Tocqueville à la société française du XIXe siècle. En étudiant la réceptivité des élites tout comme celle du peuple, elle tente de replacer le publiciste dans un contexte particulièrement complexe - celui du XIX - avec ses révolutions, ses fluctuations et ses régimes successifs. Elle inscrit donc Tocqueville comme héritier d'un passé et d'idéologies de son temps et nous montre aussi l'influence et les interactions, loin d'être négligeables, que Tocqueville a eues avec la culture politique de son siècle et ainsi qu'à titre posthume, en nous montrant les diverses interprétations partisanes qui ont pu être faites de ses ouvrages.
[...] ( Paradoxalement, Tocqueville prône l'instauration de la démocratie mais sa crainte de la domination de la majorité l'amène à nous en montrer tous les écueils possibles. Cependant, Tocqueville a pour qualité propre d'apporter des solutions en s'inspirant des institutions et des mœurs américaines La réception par l'opinion et l'usage politique Tocqueville s'adresse à l'élite qu'il croit seule capable de mener à la transition démocratique. Son succès est immense avec 6000 exemplaires édités (pour environ 1000 habituellement). Cependant, l'œuvre ne touche pas le grand public car il s'adresse à la raison et non pas aux passions (et donc pas recommandé aux femmes à l'époque). [...]
[...] La guerre aux EU passionne les Français et on considère Tocqueville comme un prophète de la partition, ce qui renforce sa popularité. Ses grandes doctrines sont alors remises à jour, à savoir le libéralisme défensif avec le contrôle de constitutionnalité, les jurys populaires et la soumission de l'Etat au droit commun pour limiter le pouvoir de la majorité et la souveraineté populaire qui effrayait Tocqueville. La décentralisation administrative et la centralisation politique sont une autre solution proposée pour l'exercice de la liberté entre la souveraineté et la juxtaposition des intérêts locaux Années 1870-1890 = vers l'oubli Ces œuvres n'ont plus aucun succès pourtant il reste une élite en France. [...]
[...] Mélonio étudie par ailleurs longuement la relation entre Tocqueville et Guizot : ils s'opposent car Tocqueville veut la démocratie et Guizot veut conserver le statu quo. Tocqueville offre ainsi une culture de l'opposition contre Guizot en rassemblant à la fois les légitimistes, les républicains et l'opposition de gauche qui se reconnaissent dans certaines revendications de Tocqueville. La doctrine de Tocqueville ne sera pourtant écoutée qu'après la chute de Guizot puisqu'il connaît alors sa période de gloire et participe à la rédaction de la constitution. [...]
[...] Un autre reproche concerne l'absence d'une doctrine exportable car elle est trop inscrite dans l'histoire et les mœurs américaines (comme le Fédéralisme ou les communautés). C. Approfondissement 2 : Le retour de Tocqueville Cette dernière partie est l'aboutissement de la réflexion de F. Mélonio et la partie la plus intéressante selon moi puisqu'elle nous enseigne l'historiographie récente (deuxième moitié du XXème siècle) concernant Tocqueville. L'auteur reprend en effet sa problématique initiale, une fois que les lecteurs ont assimilé l'idéologie de Tocqueville et ses rapports avec les différentes générations de Français. [...]
[...] Il débute donc la rédaction de la deuxième partie de la Démocratie en Amérique en mettant en avant les tendances et les penchants de la démocratie ou plus précisément de l'égalité et c'est pour cela qu'il s'inscrit dans la lignée des moralistes comme Pascal. Cependant, il a beaucoup de mal à rendre compte de ses idées et découvre sans cesse des nouveaux aspects possibles dans sa réflexion. C'est donc une genèse très difficile : Il faut à tout prix que j'achève ce livre. Entre lui et moi, c'est un duel à mort ; il faut que je le tue ou qu'il me tue»6. [...]
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