Michel Aflaq est né à Damas en 1910. Fils d'un nationaliste arabe convaincu, il est issu d'une famille grecque orthodoxe. Étudiant à la Sorbonne dès 1928, sa passion pour l'histoire de la pensée politique s'y développe. Parmi ses lectures figurent les œuvres de Marx, Lénine et Nietzsche. En ce début du XXe siècle, Salah Bitar fait également partie de ces étudiants arabes dont Paris regorge.
Michel Aflaq et lui se lient d'amitié. Rentrés en Syrie, ils traversent tous deux une période de crise à l'égard du communisme lorsque la France, en 1936, voit la fondation du Parti populaire. Rassemblant communistes et socialistes, l'évènement a une influence sur le Parti communiste syrien qui grandit, mais ne se soucie pas plus de l'indépendance et de la liberté syriennes.
Il est nécessaire d'appréhender la pensée de Michel Aflaq comme l'aboutissement d'un processus historique des traditions nationalistes arabes. C'est notamment la théorie politique de Sati Husri qui préfigure le tournant que prendra l'idéologie. Ce dernier voit la nation comme une entité vivante.
Il considère que la langue et l'histoire en sont les composantes essentielles. La langue, en effet, est un moyen de communication entre les individus et le moteur de la pensée. L'histoire, quant à elle, est le sentiment et la mémoire de la nation. Les tendances locales apparaissent comme le principal obstacle à la réalisation des buts nationalistes, mais Husri pointe du doigt l'expérience allemande pour se persuader qu'elles peuvent être dépassées.
Nous savons que Michel Aflaq et Sati Husri ont lu Johann Gottlieb Fichte. Quelle était donc la conception de la nation de l'auteur allemand ? Que préconisait-il pour la réalisation du sentiment d'unité nationale ? Sa doctrine a-t-elle inspiré celle élaborée par ses héritiers arabes ?
[...] Michel Aflaq rejette l'état de division et de sous-développement de la Nation arabe. Celle-ci, par la cohésion de ses membres et du fait de son passé, possède la capacité de reprendre la place qui lui revient et qu'elle avait provisoirement perdue. Répondant aux nécessités du présent, les Arabes ressusciteront leur nation dont la mission sera civilisatrice, et capable d'illuminer le genre humain de par sa richesse intellectuelle. Il considère que la nation arabe plonge ses racines dans l'histoire, l'unité de la langue et la culture. [...]
[...] Son premier discours rappelle l'état lamentable de son pays. L'Allemagne traverse une époque d'égoïsme acharné, d'individualisme forcené. La défaite face à la France est logique. Ici et là, l'égoïsme, en se développant et en s'épanouissant, s'est détruit lui-même en perdant ce qui constitue le soi et l'indépendance et comme il ne voulait pas se donner d'autre but que lui-même il se vit obligé d'accepter un but extérieur, imposé par une force étrangère. Celui qui a entrepris d'expliquer son époque doit également tenir compte de ses progrès lorsque ceux-ci existent ; aussi est-il de mon devoir de reconnaître devant le même public auquel j'avais parlé du présent que celui-ci a cessé d'être tout à fait le présent pour devenir le passé.[xiv] Fichte veut mettre en place un système d'éducation nouvelle à l'échelle nationale. [...]
[...] Fichte, Discours à la nation allemande, 1807-1808. [xiii] Marc Maesschalck, Religion et identité culturelle chez Fichte, p [xiv] Johann G. Fichte, Discours à la nation allemande, p Ibid., P [xvi] Ibid., p [xvii] Alexis Philonenko, L'œuvre de Fichte, p [xviii] Johann G. Fichte, Discours à la nation allemande, p [xix] Ibid., pp et 139. Ibid., p [xxi] Ibid., pp et 95. [xxii] Olivier Carré, Le nationalisme arabe, p [xxiii] Michel Aflaq, La nature révolutionnaire de l'unité arabe, février 1953. [xxiv] Michel Aflaq, L'unité de combat dans le Maghreb arabe, mars 1956. [...]
[...] La jeunesse est une composante essentielle de la réalisation des idéaux nationalistes des deux penseurs. Ainsi que le fait remarquer Iva Said[xxv], pendant toute leur activité politique, Michel Aflaq et Salah Bitar privilégièrent l'utilisation de termes tels que mouvement Ils pensaient que cela représenterait mieux la jeunesse dans son ensemble. L'utilisation du mot parti semblait trop limitative. Etant tous les deux des enseignants charismatiques, leur influence sur les lycéens fut capitale dans la diffusion de l'idéologie B'ath. Beaucoup de leurs élèves devinrent à leur tour de réputés intellectuels, qui popularisèrent leurs idées. [...]
[...] Nous ressentons chez Michel Aflaq l'influence de Johann G. Fichte. Les mêmes thèmes et les mêmes concepts sont développés chez les deux auteurs, bien qu'ils les agencent parfois différemment. Leur utilisation respective ne mène pas à la réalisation de la Nation de la même façon. Une étude approfondie est capitale pour essayer d'appréhender les subtilités propres à chacun. Le critère de différenciation chez l'Allemand est linguistique. Aflaq fait lui référence à un héritage socio-culturel, plus large par nécessité réaliste au vu de la configuration du monde arabe. [...]
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