Poèmes Saturniens (1866) est le premier recueil poétique de Paul Verlaine. Composé de quatre parties distinctes aux titres explicitement picturaux (Mélancholia, Paysages Tristes, Eaux-Fortes, Caprices), le recueil s'illustre par sa modernité poétique et sa musique particulière.
A tort classé parmi les poètes symbolistes, Verlaine tente en réalité ici de tracer son propre chemin par rapport au mouvement Romantique, ou celui du Parnasse. Le poète saturnien se distingue par son exil subit qui vient de cet amour du beau et de la volonté de le voir ériger comme souverain.
[...] Le rossignol permet cette reconquête de l'unité d'une conscience. Le poème est en cela particulier, car, contrairement à Baudelaire, Verlaine n'a pas l'habitude de marquer dans ses poèmes cette recherche (pourtant réussie ici) d'un idéal perdu, démembré. Le rossignol est résumé à sa voix mélangeant souffrance et mélancolie douce qui est la seule à pouvoir faire taire la rumeur L'harmonie finale suscite même frisson et larmes dans une possible réécriture poétique d'une apothéose musicale, l'expression d'un choc culturel auquel peut assister un homme lors d'un récital. [...]
[...] Cette transformation, ce passage semblent donc bien renouer finalement avec la thématique de la section. Cela se note à la rime sept/huit : l'adjectif mauvaise qui caractérise la rumeur s'oppose au verbe apaise qui annonce le chant du rossignol. Cette rime redresse pourtant aussi l'inclinaison mélancolique avec l'assonance en m : brise moite qui monte (cf : rumeur La transformation du poète et sa métamorphose de sujet troublé à un poète tranquillisé s'opèrent dans la deuxième partie du poème. Cette transformation peut déjà s'entendre avec l'utilisation du verbe couler au vers six. [...]
[...] Cette indistinction se montrant favorable à l'impair et à l'irrégularité, chère à Verlaine. Ce sont également des moments propices à la mélancolie où la tristesse exprimée est incertaine, floue. Pourtant, le poème que nous nous proposons d'étudier semble échapper à cette règle. En effet, Le Rossignol ne paraît pas s'inscrire à première vue dans cette thématique du paysage transitoire. Le titre même du poème ne fait pas référence à ce moment charnière et donne à voir au contraire un animal au combien symbolique. [...]
[...] Cette courbure du moi manifeste peut- être un dédoublement, mais qui autorise en tout cas une redécouverte de l'identité. Reflet et inclinaison mélancoliques qui deviennent, selon Jean Starobinski, un emblème de vérité L'État pensif du poète semble se nourrir de ces remémorations et se conforme à un écoulement et une fuite inlassables. L'adverbe lourd, pesant et dur qui est mélancoliquement coupe le rythme du vers six Mais c'est autour de cette anomalie formelle que s'organise une nouvelle configuration du sujet qui souffre, en attestent les consonnes occlusives coule qui mélancoliquement De plus, la première partie du poème est marquée par le bruit, voire le tapage. [...]
[...] Le chant du rossignol immortalise une sorte d‘hommage à la poésie de Verlaine elle- même. Ainsi, la longue tradition du poème comme immortalisation pour vaincre la mort semble ici renouée (Voir le poème Sur un tombeau de Tristan L'Hermite). Pourtant, la distinction entre la femme et le rossignol s'opère au vers quatorze où la première est morte tandis que l'autre continue encor à chanter. L'assimilation est désormais effectuée entre le rossignol et le poète, qui une fois le deuil accepté, peut lui aussi recommencer à chanter (à faire de la poésie). [...]
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