Riad Sattouf s'est avant tout efforcé de réaliser une histoire qui apporte un divertissement, dans la pure tradition de la bande dessinée telle que les lecteurs peuvent la lire dans le mensuel Fluide Glacial : le personnage de Pascal Brutal et les interactions qu'il entretient avec son environnement sont une source inépuisable de comique en tous genres (I). Mais au-delà de cette intention première, il semble qu'un propos plus profond de Riad Sattouf soit sensible au fil des lectures : l'auteur brosse un portrait satirique des rapports de domination entre les femmes et les hommes, qu'il parvient à rendre plus sensible par une inversion de rôles (II).
[...] Ce renversement des rôles est dû à un changement d'environnement pour Pascal, originaire d'une société machiste, et qui se trouve alors en décalage complet dans cette société ultra-féministe : ce contraste, ce décalage, laisse transparaître une critique d'un certain conditionnement social et de l'illusion libérale. En effet, des hommes qui étaient virils dans leur système d'origine sont à présent mis à nu, dévirilisés et dominés dans ce système gynarchique, qui surplombe et englobe tous les êtres humains qui y sont assujettis, conditionnant tous leurs comportements. [...]
[...] Se trouve en même temps illustrée l'entièreté du paradoxe du puritanisme, qui est à la fois répression du sexuel et obsession par le sexuel : l'homme doit cacher ses attributs masculins par une sorte de niqab, mais être disponible sexuellement pour sa femme et astreint à des postures qui ne sont pas sans rappeler certaines pratiques de domination sexuelle (laisse et collier de chien). L'institution de l'esclavage transparaît également sous un double aspect : la femme peut vendre ou échanger son homme si elle en est insatisfaite (esclavage marchand), s'il ne délivre pas l'orgasme quotidien qu'il lui doit (esclavage sexuel). Il y a là un encadrement et une règlementation de la sexualité par le pénal. [...]
[...] Ambigu car Pascal, le héros de ces histoires, est un parangon de virilité poussée à l'extrême qui pourtant n'en garde pas moins une part de féminité : Riad Sattouf s'amuse même à jeter le trouble dans sa sexualité, comme si cette façade tout en muscles, en testostérone et en assurance cachait une dimension plus fragile et plus sensible. Sattouf entretient ainsi un contraste à l'intérieur même du personnage, le rendant paradoxal et attachant. Mais Pascal n'est pas séparable de son environnement. Mieux, il en est même le produit : Pascal Brutal s'avère aussi être une satire de la société que Riad Sattouf projette par le biais de la fiction dans un futur proche de notre société dont il accentue les logiques libérales. [...]
[...] Il s'agit de captiver le lecteur de bout en bout du récit. Le divertissement et la vitesse de narration sont aussi rendu évidents par l'emploi d'un registre familier dans l'élaboration des dialogues : contractions de langage (« je m'demande comment fait Eric pour vivre dans ce pays » onzième vignette de la deuxième planche), interjections familières (« ouais », première vignette de la quatrième planche) et marques d'oralité diverses (seizième vignette de la troisième planche : « Heu . nan pas trop . [...]
[...] Il manie volontiers une ironie piquante par l'utilisation d'euphémismes qui cherche à fortement atténuer une réalité vécue dramatiquement, comme lorsqu'il est dit que le système belge « n'était pas adapté à sa nature profonde » (dixième vignette de la troisième planche), pour rendre de façon humoristique le décalage brutal entre Pascal et son environnement oppressif. Le narrateur est omniscient et montre son discours dans des encadrés surmontant les vignettes, des récitatifs. Le rythme de la narration est enlevé : les longueurs qui auraient pu s'y glisser sont rendues absentes par des ellipses qui font « sautiller » la narration et mettent l'accent sur sa vitesse. [...]
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