La problèmatique de ce travail est le paradigme de la crise de culture: la comparaison de la musique et du théâtre tels que les considéraient Antonin Artaud et Jean-Jacques Rousseau. Une analyse qui mène à la réflexion sur la maladie en tant qu'élément qui pouvait influencer sur cette perception du monde, exprimé par l'art.
"Pour Rousseau, la culture était le résultat du progrès intellectuel, un éloignement de l'état naturel, la dégénération de l'homme qui perd aussi bien son authenticité que la spontanéité de ses actes. Sur le même mode et deux cents ans plus tard, Artaud affirme une crise de la culture, devenue trop intellectuelle et rationnelle, voire trop distinguée de la vraie vie. C'est ainsi qu'il s'inscrit dans le paradigme de la crise de la culture et peut être considéré comme l'héritier de Rousseau. De leur vision de la culture émerge une vision de l'art, considéré comme un accomplissement de l'état vrai du monde: pour Rousseau la musique, pour Artaud le théâtre. Ils cherchent ce qui libère l'homme et le retrouvent dans l'art, de sorte que dans leur perception de ces disciplines, il est possible de noter un prisme d'interprétation similaire : l'immédiat, le jeu sur la sensibilité, l'action sur le spectateur".
[...] La nature à laquelle tous deux se réfèrent est un idéal qui sert de direction à la recherche de l'essence humaine, une métaphore de l'état auquel ils veulent que l'on revienne. Rousseau, en essayant de comprendre l'homme, crée le concept d'homme à l‘état de nature afin de pouvoir mesurer l'écart séparant l'homme tel qu'il est devenu de l'homme tel qu'il est : il est bon. C'est là une de différences avec Artaud, le poète ou prophète à qui importe peu la moralité et la bonté chez l'homme, d'avec le philosophe qui argumente, et invente des concepts afin de mieux justifier ses prises de position. [...]
[...] Contre cette société, les deux tentent de (re)penser le langage, dont l'origine les interroge et qu'ils tentent de retourner. Ce qui correspond toujours à une réutilisation du politique dans le langage. Il n'y a donc point de paradoxe à ce que le plus inconscient et le plus collectif en l'homme- son langage- puisse également en être la conscience la plus transparente et la dimension la plus libérée. A la disjonction de la parole et du signe dans le chant répond la disjonction de l'homme et du social pour le chanteur, et la conversion du sens en valeur est celle d'un individu en sujet de sa solitude contrairement à ces sociétés primitives qui savaient donner à ce type de prophètes asociales un rôle sérieux et entendu, les deux figures dont nous venons d'évoquer les visions ont été mises au ban de ces même sociétés qu'ils tentaient de guérir. [...]
[...] L'immédiat n'est pas seulement considéré comme rapport artistique à l'œuvre mais comme mode de communication avec le monde entier. Ainsi l'immédiat se transmet aussi sur un manque de distinction entre l'existence et l'idée de ces deux auteurs. Il existe une fusion idéale entre leur pensée et leur individualité. Cependant, tous deux laissent de la place pour la conscience. Pour Rousseau, c'est au sein de l'expérience que la conscience est découverte comme pouvoir actif de liaison des sensations et des actions dans le monde. [...]
[...] De plus, comme la parole vient de la voix, c'est-à-dire que la première langue devait être chant et liée à la passion, la musique originaire était scandée par la voix et il n'y avait pas de distinction entre musique et langage. Rousseau fait ainsi de la musique le langage originaire de l'homme : D'abord, on ne parla qu'en poésie ; on ne s'avisa de raisonner que longtemps plus tard[6]. C'est plus tard que l'homme substitue aux sentiments les idées et commence à parler à la raison. [...]
[...] Je n'ai pas tenté ici de faire une analyse de l'opéra et du théâtre, mais celle de présenter une pensée sur la vie comme dépassement des normes. Artaud et Rousseau, avec une légère tendance à la prophétie, avaient tous deux le même intérêt théorique chez Rousseau, pratique chez Artaud- pour les sociétés primitives. Tous deux situaient cet intérêt contre l'état de leur propre société, en une parole visant à dénoncer un certain nombre de saletés sociales officiellement reconnues et recommandées[17]. [...]
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