Le sonnet est une invention italienne, mais il ne s'agit pas d'un retour à l'Antique : il faut imiter les modernes, comme l'indique la Défense et illustration de la langue française (1549) « sonne moi ces beaux sonnets, non moins doctes que plaisante invention italienne ».
On note un rapprochement lexical avec le « sonnetto » italien, racine musicale d'où le rapprochement avec l'ode (chant en grec) et la présence du lyrisme. L'*étymologie est donc liée de près à la musique (air / chant). Toutefois, il y a opposition entre l'ode (chant lyrique savant) et le sonnet (registre des chansons populaires).
Les historiens éprouvent des difficultés à dater et à situer les premiers sonnets : sans doute au XIIIème, au-delà de la renaissance italienne, dans l'Italie du Sud (Sicile, cour de l'Empereur Frederik II à Palerme) avec, entre autres, Jacomo de Lantini.
Le sonnet est donc une variation issue des modèles strophiques italiens. Il se dote vite d'une identité culturelle et littéraire : « deux strophes enchaînées sur quatre rimes » (AB.AB.AB.AB ACD.ACD). Les arts poétiques italiens vont vite cautionner l'existence de ce poème : dès le XIVème un art poétique (1332) attribuait au sonnet une place et une forme.
[...] La Pléiade = rejet des formes anciennes, recours à des formes nouvelles ou renouvelées. Du Bellay associe l'ode (Grèce) et le sonnet (Italie) : deux formes lyriques légitimes qui s'opposent à la chanson qui, elle, représente aux yeux de la Pléiade l'ancienne lyrique héritée du Moyen âge, condamnée par ses origines populaires. Il s'agit de restaurer le lyrisme en recourant à des modèles qui permettent de rompre avec les genres médiévaux. Les arguments étymologiques utilisés sont douteux mais il y a bien une transformation profonde à propos du sonnet. La rupture se fait au niveau du style entre l'ode et la chanson.
[...] Blason et Blasonnement
Pratique rhétorique qui appartient au genre épidictique (troisième domaine avec le judiciaire et le délibératif): l'éloge et la blâme, situation oratoire et technique empruntée à la rhétorique athénienne. « blasonner » dans les arts poétiques c'est développer l'éloge ou le blâme de l'objet du discours, faire un exposé lyrique des qualités et / ou des défauts ce qui nécessite une virtuosité oratoire. L'orateur doit savoir développer, amplifier, l'abondance est une caractéristique stylistique essentielle à la Renaissance, tout comme un exercice scolaire. (...)
[...] Le choix du décasyllabe et du sonnet impose des unités en contradiction avec l'ampleur du discours inspiré. Le sonnet cherche alors à devenir une pièce au grand souffle avec des effets de cadence presque discordants. Série anaphorique qui traduit le dynamisme de l'amplification qui déborde sur le sizain. Remise en cause du modèle didactique (Question dans le huitain / réponse dans le sizain): ici le sizain amplifie l'idée majeure du huitain et le lien entre les deux ensembles n'est plus linéaire. [...]
[...] C'est d'abord un sonnet traduction que l'on voit apparaître (Vasquin Philieul qui publie 196 sonnets en 1548 et 314 sonnets en 1555) puis un sonnet imitation, marginal et sans retentissement littéraire. A partir de 1545 mais pour des publications plus tardives de nombreux recueils pétrarquistes sont en gestation: Pontus de Tyard Erreurs amoureuses 1549, Louise Labé Oeuvres 1555, Ronsard Amours Le sonnet s'impose dans des recueils structurés comme imitation de Pétrarque. Ce n'est pas la Pléiade en tant que telle qui importe le sonnet mais c'est elle qui décide de son implantation. Le rattachant à l'épigramme Sébillet ne lui donnait pas son identité littéraire. [...]
[...] Les quatrains : selon Sébillet la rondeur était exprimée souveraine parmi les Anciens On retrouve une parenté entre le huitain de la ballade classique et le huitain du sonnet puisque qu'il y a le même effet de saturation sur deux rimes et que rien ne change en matière de disposition rimique. C'est l'effet de concentration et de ressassement sonore qui crée l'arrondi. Ainsi le Rondeau traduit une esthétique de l'encerclement puisqu'il oblige au retour au même lexicalement, sémantiquement, rimiquement Le huitain du sonnet offre donc au lecteur français un premier mouvement strophique familier. Les tercets : le sonnet français va restreindre la liberté des tercets italiens en autorisant seulement 2 rimes (CCD EDE CCD EED). C'est la naturalisation d'une forme prétendue fixe. [...]
[...] A la manière de l'épigramme le sonnet cultive les pointes. Les salons regroupent les lettrés, les beaux esprits, des personnalités aussi bien aristocratiques que politiques ou littéraires. En 1613 Mme de Rambouillet répond à ses détracteurs en fondant son propre salon. Souci d'épurer la langue. La préciosité = raffinement, recherche d'une sophistication extrême qui justifie la présence dans les salons et la forme codifiée du sonnet est un atout pour briller et dépasser la concurrence. Il est à la fois le lieu d'un jeu et une arme: sonnet en bouts rimés (on voit que des automatismes reviennent comme l'utilisation de la comparaison pour faciliter l'insertion des mots rimes). [...]
[...] Débat entre l'art (domaine de l'acquis et de la technique) et la nature (domaine de l'inné, associé au génie). Ce style inspiré qui a beau relevé d'une technique d'écriture doit rendre compte de l'état créateur de l'artiste inspiré: état de transe / d'exaltation religieuse qui conduit à une représentation organique de l'inspiration que les poètes de la Renaissance empruntent au néo-platonisme et mettent à profit en simulant stylistiquement cet état: continuité entre l'influx organique du discours et les qualités du texte. Les qualités stylistiques témoignent de l'état du poète: abondance du discours. [...]
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