Le Seizième Siècle se caractérise par un bouleversement littéraire novateur qui veut poser les fondements d'une poésie nationale. L'impact de la Pléiade, tant sur le plan de la langue que sur celui de la forme, n'a sans doute pas son égal dans toute l'histoire de la littérature. L'apport de Joachim Du Bellay est considérable comme théoricien mais aussi comme artiste impliqué dan ce bouillonnement créatif.
[...] Dès la première strophe, Du Bellay cherche à dédramatiser l'encomiastique par l'humour. Il choisit son ami Bizet comme destinataire de cette épitre afin de s'éloigner un court moment du monde de l'art et de celui de la politique. Le lecteur retrouve une structure employée à plusieurs reprises dans le recueil. Chaque fois qu'il s'adresse à Bizet le poète place son nom en ouverture du premier vers et à l'hémistiche du premier tercet, comme s'il voulait garder son ami attentif. Après cette interpellation rhétorique, le quatrain développe une hypothèse très ironique sur le refus du poète de blesser par ses vers. [...]
[...] La parole, sous toutes ses formes triomphe dans cette épître et son isotopie se reprend dans un joyeux enchaînement sonore. Le lecteur amusé est ainsi amené à la pointe de ce sonnet où la vue est mobilisée avec la même intention ludique au début du dernier vers. Du Bellay propose une dernière antithèse et renverse les idées préconçues attribuant à la louange l'épithète « odieux » qui vient clore ce poème. Mais la diérèse produit un glissement sémantique vers une autre interprétation. [...]
[...] Mais il joue sur l'intertextualité pour faire sourire son lecteur. Son sonnet fait en effet écho à l'Hymne de la surdité où il se moquait de Ronsard et employait cette expression pour critiquer le genre de l'éloge. On y trouvait déjà en effet ce distique : Je ne suis pas de ceux qui d'un vers triomphant Déguisent une mouche en forme d'éléphant, Comme souvent dans son recueil, le second quatrain se sert de l'exemple personnel du premier pour énoncer un avis plus général et étendre la portée de son conseil. [...]
[...] Enfin « chacun et commun » terminent à la rime ce contraste total. Du Bellay semble changer de sujet. Il ne s'intéresse plus à la réception des écrits mais à leur composition et au travail demandé. Il retrouve ainsi, après avoir semblé les remettre en cause, les exigences des écrivains de la Pléiade ou les conseils du latin Horace qui jugeait une œuvre surtout à l'exigence technique. Le poète marque sa volonté de donner de l'ampleur à sa définition par une reprise démonstrative, les deux points du vers dix annoncent une définition qui apporte des précisions sur la présentation négative précédente. [...]
[...] De même l'image du chapeau est une version parodique de la couronne de laurier qui orne le front des poètes couronnés. Le lecteur est ainsi habitué à voir des gravures représentant Ronsard coiffé de cette marque honorifique ici détournée. Les quatrains avaient commencé par une expression populaire empruntée au monde paysan. Ils se terminent de même par une première chute cocasse et populaire du sot de village qui s'endort coiffé, que l'on retrouve dans de nombreux fabliaux du Moyen-Age. L'auteur des Regrets affirme une seconde fois dans son sonnet l'importance de la tradition littéraire française et prend ainsi ses distances avec les préceptes érigés par son groupe d'amis. [...]
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