Las Vegas est née en 1855 : des Mormons, ayant découvert une source d'eau chaude, décidèrent de s'installer à proximité de celle-ci. Mais ce n'est qu'en 1911 que Las Vegas accède au statut de ville. Jusque dans les années trente et la légalisation des jeux d'argent, la ville n'était qu'une toute petite gare entre Los Angeles et Albuquerque.
Selon le géographe français Pierre George, la ville est « un groupement de populations agglomérées caractérisé par un effectif de population et par une forme d'organisation économique et sociale ». Dans le cas de Las Vegas, c'est le jeu qui est le ciment de cette organisation.
Cynthia Ghorra-Gobain, géographe, urbaniste et directrice de recherche au CNRS nous rappelle la différence fondamentale entre une ville américaine et européenne :
La ville américaine, contrairement à la ville européenne, prend racine à une époque où le politique s'inscrit plus dans la construction de l'Etat et de l'Etat-Nation que dans l'affirmation d'un pouvoir urbain fier de s'autonomiser par rapport au système féodal.
La raison d'être de Las Vegas est d'exalter la puissance des Etats-Unis. C'est sa spécificité et son unicité. Las Vegas semble être une concentration délibérée de tous les symboles du capitalisme au dépend d'une logique de construction et d'expansion.
Mais, au-delà de cette concentration, Phillipe Jacquin et Daniel Royot, auteurs de Go West ! Une Histoire de l'Ouest Américain d'Hier à Aujourd'hui, expliquent que la ville de Las Vegas relève d'une tradition ancienne liée à la conquête de l'ouest :
Oasis flamboyant qui vit la nuit sur fond de désert obscur, capitale du strass et, pour beaucoup, du vice, Las Vegas ne s'écarte pas de la tradition ludique qui incitait les chercheurs d'or inassouvis de San Francisco à contempler les danseuses de saloon dont le blond platine avait la couleur des mirages.
Cette tradition est accentuée par l'économie de type colonial que Las Vegas a mise en place, à l'image des Company Towns, fondées autour d'une seule industrie : « Las Vegas had perfected the colonial service economy long before the rest of the nation began to encounter it » , nous rappelle Hal Rothman, professeur d'histoire à l'Université de Las Vegas et spécialiste de l'industrie du tourisme.
Las Vegas est à l'image des villes américaines. Le plus petit dénominateur commun est le block. De plus, la ville est en perpétuelle extension et recréation. Svend Erik Larsen caractérise ce procédé : « The city is an ongoing socio-spacial process rather than a socio-spacial space ». Cynthia Ghorra-Gobain a d'ailleurs illustré cette thèse. Selon elle, la ville américaine résulte « d'un processus de sédimentation lié en partie au principe du plan en damiers qui permet à la ville de s'accroître - sans aucune notion de limite - et surtout de se renouveler par îlot sans aucune référence à l'ensemble bâti » (...)
[...] L'avant-garde artistique du mouvement Pop-Art, représenté par Lucy, n'a pas sa place dans la ville alors que Las Vegas et le Pop-Art partagent une identité basée sur le signe. C'est parce que l'art de Lucy subvertit les formes pour critiquer le fond qu'il est rendu invisible Las Vegas et postmodernisme 1 Rhétorique de l'incompréhension et de la défiance Thompson se moque de la caricature de que fait Nixon du communisme et de la contre-culture qu'il juge comme foncièrement de gauche donc anti- américaine. [...]
[...] Raoul Duke semble atteint de myrtophobie : The room was very quiet. I walked over to the TV set and turned it on to a dead channel ( white noise at maximum decibels, a fine sound for sleeping, a powerful continuous hiss to drown out everything strange[85]. La confusion entre les deux environnements se trouve renforcée par l'hypallage[86] white noise L'expression renvoie à une fréquence sonore sans rythme ou mélodie particuliers, mais surtout évoque le mélange d'une sensation auditive et visuelle accentuant la confusion des sens dans l'esprit du personnage. [...]
[...] Thompson, Fear and Loathing in Las Vegas, p Hunter S. Thompson, Fear and Loathing in Las Vegas, p Op. cit., p Op. cit., p Hunter S. Thompson, Fear and Loathing in Las Vegas, p Op. cit., p Le mot thériantropie est composé du préfixe grec therion- qui veut dire sauvage et du suffixe –anthrope qui signifie homme La thériantropie est donc l'action de se transformer en bête. Op. cit., p Nom latin signifiant lieu emplacement ou place (Felix Gaffiot, Dictionnaire Latin Français, Paris, Hachette, 1934). [...]
[...] L'incommunicabilité est donc une sorte de procédé avec lequel Thompson joue : ce voyage n'est qu'un miroir du monde dans lequel personne ne se comprend. Elle fait partie de la mise en scène et de la schizophrénie conceptuelle. Elle sous-tend aussi un détachement de toute forme de dirigisme issu du langage. Cette suspicion du langage est une préoccupation postmoderne. Les années soixante sont synonymes selon Peter Knight, professeur de Littérature Américaine à l'Université de Manchester, d'une postmodern hermeneutic of suspicion La suspicion est le maître-mot d'une génération qui a construit son travail artistique autour des mensonges de l'image et du langage. [...]
[...] Tout d'abord Las Vegas incarne l'antithèse des idéaux libertaires des années soixante. Mais la ville est aussi, paradoxalement, décrite comme une conséquence directe de cette période. A l'opposé de l'élévation de conscience et de la spiritualité prônée par la contre-culture, Las Vegas est une ville qui aliène. Raoul Duke, par exemple, est anxieux à l'idée de récupérer la clé de sa chambre car le Docteur Gonzo, ayant absorbé du LSD, menace de se transformer en bête : You're full of acid, you fool. [...]
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