«Un livre pour gangsters » : c'est la manière dont le philosophe Bertrand Russell décrit le livre le plus célèbre de Machiavel, Le Prince. Un des hommes auxquels pensait sûrement Russell, Benito Mussolini, lui, préféra louer le livre. Il avait une petite idée derrière la tête, sans doute, à la question de savoir qui pourrait bien être le prince parfait selon Machiavel, et il écrivit un avant-propos pour une nouvelle édition du texte.
Pourtant, Nicolas Machiavel n'a rien à voir avec la créature à faire trembler les petites gens. Sa philosophie politique n'a en soi rien de diabolique. Elle est simplement extrêmement réaliste. Mais la réaction commune nous parle de nous-mêmes et de notre société plus que de Machiavel. La philosophie de la gouvernance qu'il vise à développer se veut scientifique.
Dans la démarche scientifique, il n'y a pas la place pour le sentiment ou la compassion. Ni même, de manière ultime, pour la morale. Or, notre société vit dans l'émotion de l'instant, l'émotion partagée. La gestion politique elle-même se cale sur cet état de fait. Des avions se scratchent dans les tours du World Trade Center : et si on luttait contre le terrorisme ? Une bombe explose à Madrid : l'Europe (enfin) unie dans la douleur. Un enfant violé fait la une des journaux : on va durcir la loi !
L'émotion est devenue le moteur de toute action politique. Le court terme avant tout, et si possible déformé par l'amplification aberrante des médias. La fonction principale d'un président de la République est désormais de s'émouvoir : mieux vaut donc élire un homme au visage expressif capable de jouer sur tous les registres de l'émotion qu'un être de réflexion qui sache prendre du recul et peser ses décisions.
L'heure n'est plus à la force tranquille, mais à l'impulsivité inquiète : pourvu que je ne rate pas le train de la dernière émotion à la mode. Parce que les émotions des foules, forcément, ça passe. Celle d'une semaine chasse celle de la semaine précédente. Plus besoin de faire des lois, d'ailleurs : les annoncer suffit en général amplement.
Le chef-d'œuvre de Machiavel, ce bref écrit qui l'a fait connaître et qui le maintient encore aujourd'hui au sommet de la gloire, c'est Le Prince. Un livre qui donne des conseils à un prince quant à la manière de diriger son Etat. C'est un texte totalement rationnel, d'une grande justesse psychologique, et qui va droit au fond des choses avec une rare lucidité.
Si vous êtes un prince qui gouverne un Etat, votre premier objectif est de garder le pouvoir et de gérer les affaires à votre avantage. Machiavel explique comment y parvenir, utilisant un grand nombre d'exemples historiques, et avec une totale absence de sentimentalisme. Pas la peine de se couper les cheveux en quatre. Vous voulez une formule ? La voilà.
Le verdict de Machiavel sur le comportement de ses semblables peut sembler dur et cruel aujourd'hui. Mais à son époque, vous imaginer ! C'était pire encore ! Dans le climat philosophique du début du seizième siècle, l'ethos de la Renaissance humaniste consistait à libérer les intentions vertueuses de l'humanité pour leur permettre d'influer sur ce qu'on appellerait maintenant la bonne gouvernance de l'Etat.
L'avantage de Machiavel dans cette problématique, c'est qu'il est autodidacte. Il s'est formé tout seul. Et si cela donne souvent de fausses certitudes, dans son cas l'effet fut inversé. Il n'a pas été influencé par la « pensée unique » de ses contemporains. Il a en quelque sorte échappé à la culture du moment, ce qui lui a permis de ne pas compromettre sa capacité à produire des idées nouvelles.
Il a pu observer la réalité en face, sans être obnubilé par des concepts limitatifs. Mais tandis qu'il rejetait l'accent mis par ses contemporains sur les valeurs morales, il partageait la vision de Galilée selon laquelle l'homme aurait la capacité de comprendre le dessein universel de Dieu. C'est-à-dire que sa méthodologie était humaniste, même si ses conclusions ne l'étaient pas.
[...] - réside dans l'organisation de l'Etat. Pour comprendre le succès de la Rome antique, il faut ainsi se pencher sur son organisation. Le chapitre suivant réitère le même point. Il s'agit donc de se pencher sur les institutions qu'une cité doit développer afin d'éviter la croissance de la corruption dans ses affaires intérieures. Machiavel présente deux méthodes essentielles dans l'organisation des affaires intérieures pour instiller la virtù dans chaque citoyen. Il commence par argumenter, aux chapitres 11 à 15, sur le fait que parmi les institutions essentielles d'une cité, on trouve les structures religieuses. [...]
[...] Le principal symptôme en est la tendance à conduire les questions militaires avec une indécision croissante et un manque flagrant de courage. Deuxièmement, il existe un danger similaire en relation avec «les choses faites chez où l'augmentation des actes de corruption se répercute principalement sous la forme de conflits civils et d'hostilités intérieures. Machiavel traite de la première de ces questions dans les Livres V et VI, dans lesquels il évoque surtout l'histoire des relations extérieures de Florence. Mais il ne développe pas, contrairement à ce qu'il a fait dans les Discours, une analyse détaillée des erreurs et maladresses stratégiques des dirigeants successifs de la ville. [...]
[...] La diversité des opinions empêche en effet d'organiser un gouvernement convenable. Il s'ensuit que pour installer une république, il faut être seul. De plus, une fois qu'une cité a «décliné par corruption», elle aura de la même manière besoin la virtù d'un homme qui est alors vivant» et non de virtù des masses» pour restaurer sa grandeur. Ainsi Machiavel conclut qu'«on doit prendre cela comme règle générale : rarement ou jamais une république ou un royaume n'est bien organisé dès le début, ou complètement abouti» à une date ultérieure, «sauf s'il est organisé par un homme». [...]
[...] Pour la première fois, Machiavel émerge de l'ombre. Son grand biographe italien Villari évoque le jeune Nicolas, âgé de seulement vingt- neuf ans, comme un personnage assez peu avenant, pour ne pas dire étrange. Il est mince, avec de petits yeux brillants, des cheveux bruns, une petite tête, un nez aquilin, et une bouche aux lèvres serrées. Et pourtant, «tout en lui donnait l'impression d'un observateur très attentif et d'un esprit incisif, mais pas de quelqu'un apte à influencer beaucoup autrui.» Villari mentionne son «expression sarcastique», son «air de calculateur froid et impénétrable», et sa «puissante imagination». [...]
[...] Le mot vient du latin humanitas, de homo, l'homme. En tant que mouvement, on peut situer son apparition avec le poète du XIVe siècle Pétrarque, fils d'un exilé florentin. Les héros de l'humanisme sont les poètes, les universitaires, et les orateurs de la République romaine antique : Cicéron, Horace et Virgile. L'humanisme Renaissance n'est pas anti-chrétien. Il perçoit une harmonie universelle sous-jacente aux deux philosophies païenne et chrétienne. Au centre du monde humaniste ne siège pas Dieu mais l'être humain, dans certaines versions une humanité divine ; pas dans un monde meilleur encore à venir, mais dans l'ici et maintenant des bouddhistes ; et il ne s'agit pas de s'attacher à l'âme individuelle mais à la vie publique et sociale. [...]
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