Entrer dans la danse, c'est entrer en Balzacie. Peut-être parce qu'il existe un rapport essentiel entre le bal et Balzac, un rapport inscrit dès le nom. Or, on sait l'importance que Balzac attache aux patronymes, auxquels il accorde une valeur programmatique ! On pourrait donc imaginer entrer dans le monde balzacien, par le truchement des scènes de bal, mises en scène à l'envi, avec, pour maître-à-danser –ou du moins pour maître de cérémonie, Balzac lui-même.
Image du cercle et du mouvement, le bal est un motif particulièrement propice à la représentation de la société, mais aussi de l'écriture : car il s'agit tout autant de représenter le bal -et de la société- que recourir au bal comme image, comme représentation de l'écriture. Chorégraphies scéniques et chorégraphies textuelles s'entrelacent car le bal est un miroir à double titre : il est à la fois le miroir d'une époque, d'une société et le miroir d'une écriture, d'une esthétique.
En effet, réunissant en un même espace, un groupe, une société qu'il enferme pour mieux observer ses relations, ses réactions, le bal fait d'abord figure de fenêtre ouverte sur le monde. C'est même le monde en miniature, car, en tant que divertissement, le bal est un vecteur des valeurs d'une société qu'il faut, à travers les apparences et les déguisements, savoir déchiffrer. En d'autres termes, dis-moi ce que tu aimes et je te dirai qui tu es.
Pourtant, alors qu'un certain nombre d'activités de la vie quotidienne et de divertissements ont fait l'objet d'une étude globale, aucune monographie n'a été consacrée au bal. Cercle harmonieux, cercle fermé, cercle mystérieux et occulte, il est un symbole multiple et variable. C'est donc l'occasion d'étudier ce motif qui se prête si bien à la variété de l'écriture balzacienne. Regard porté sur une époque, le bal est de plus un topos littéraire : il est à la fois une donnée historique, sociale (synchronique) et un motif littéraire (diachronique) qui offre la possibilité à l'auteur de réfléchir sur la pratique littéraire en général, et la sienne en particulier.
[...] Echec et mat donc, puisque Ferragus, Roi des Fous, réussit à empoisonner son adversaire. Et, par conséquent, renversement de l'ordre car c'est l'homme des bas-fonds, le Roi de Carnaval qui fait de l'aristocrate, du Roi légitime, un Fou. Puisqu'il montre un renversement de l'ordre social, le jeu d'échecs préfigure les scènes de Carnaval. Autrement dit, le jeu de massacre –l'empoisonnement de Maulincour déclenche en effet, comme dans un château de cartes, des morts en séries- se double d'un jeu de rôles. [...]
[...] Si brèves soient-elles, les scènes de rencontres jouent un rôle déterminant dans la fiction romanesque, qui dépasse largement le cadre de ces seules séquences. Aussi s'agit-il de voir comment le lieu du bal favorise les rencontres mais aussi de regarder ce que la scène, selon son déroulement, annonce pour la suite de l'intrigue amoureuse. a. Scènes de première vue Depuis la rencontre entre Madame de Clèves et Monsieur de Nemours, née à la faveur d'un ordre royal, le rôle du milieu social a longtemps pesé sur le topos romanesque de la scène de première vue[5]. [...]
[...] On est bien loin du cachez ce sein que je ne saurais voir au contraire le corps est érotisé. Ce qui montre bien que ces vierges hiératiques connaissent toutes les techniques de la séduction puisque, dès que la situation l'exige, elles mettent en avant leurs charmes, quitte à devenir des divinités païennes. Ainsi Madame Jules fait son numéro de charme après le bal, telle Vénus sortie de l'eau (du bain) : Elle avait serré la baptiste du peignoir, entrouvert son corsage, laissé tomber ses cheveux sur ses épaules rebondies ; son bain parfumé lui donnait une senteur enivrante ; ses pieds nus étaient dans des pantoufles de velours (Ferragus, p.124). [...]
[...] Elément important, les deux bals sont unis par le motif récurrent de la symphonie de Beethoven : Dans l'œuvre des huit symphonies de Beethoven, il est une fantaisie, grande comme un poème, qui domine le finale de la symphonie en ut mineur (César Birotteau, p. 224). Le premier bal semble donc se terminer en fanfare : Balzac développe en effet une longue méditation sur le pouvoir ensorcelant de la musique de Beethoven, et renvoie ainsi à l'éclatant succès de son héros. Le premier bal, dans son ensemble, a donc pour vocation de marquer l'apogée de César le bien nommé. C'est un moment de triomphe, parfaitement cohérent avec ce qui précède dans le roman. [...]
[...] Juliette Frölich, Esquisse d'une poétique de l'objet dans le roman balzacien. Les choses pour le dire Balzac, une poétique du roman, Montréal - Saint -Denis, XYZ éditeur PUV p225. Pour bien comprendre le processus de conversion des objets réels en éléments fantasmagoriques qui habite les descriptions prétendues réalistes de Blazac, on pourra se reporter à : - Henri Mitterand, L'illusion réaliste, paris, PUF Ecriture Henri Mitterand analyse la présence du fantastique dans la description du magasin d'Antiquités dans La Peau de Chagrin. [...]
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