Job- bible- Adam et Eve- apocalypse
En 1929, Alfred Döblin écrit Berlin Alexanderplatz en hommage à une place de Berlin. Comme beaucoup d'auteurs de son époque, Döblin s'intéresse de près à sa capitale qui renaît difficilement après la première guerre mondiale. Dans ce roman, il met en scène un personnage Franz Biberkopf, ancien prisonnier qui évolue dans les rues et fait face à sa façon aux différentes difficultés auxquelles il va se heurter. Ce roman a connu beaucoup de succès. Il reste une des oeuvres les plus connues de Döblin, adapté au cinéma deux fois (1931 et 1979) et à laquelle beaucoup de lecteurs résument l'oeuvre peu connue de Döblin. Dans Berlin Alexanderplatz, Döblin met en place une narration nouvelle qui mêle les dialogues, les textes scientifiques, les extraits de règlements, de journaux, alternant les points de vues des différents personnages et les références bibliques qui forment un tout indissociable. L'aspect religieux de Döblin apparaît dans bon nombre de ses oeuvres (la Bible apparaît très souvent dans Berlin Alexanderplatz et Babylonische Wandrung(1934)). Cependant, il faut noter que Döblin est né juif et s'est converti au catholicisme dans le contexte du nazisme et de la seconde guerre mondiale. Berlin Alexanderplatz est un lieu qu'il connaît, où il a vécu. « De retour à Berlin, il ouvre un cabinet près de l'Alexanderplatz, où il reçoit beaucoup d'hommes de lettres. » Il profite de cette occasion pour observer les personnes qui vivent dans ces rues en tant que médecin psychologue : « Et je découvrais là une humanité intéressante, si vraie et pas encore décrite. J'ai pu observer cette humanité dans les moments et les situations les plus divers, et l'observer de la seule façon vraie, en participant à sa vie, à son action, à sa souffrance. » Dans Berlin Alexanderplatz, il cherche à rendre un réalisme de la rue, de la ville de son époque. Pour rendre ce réalisme, il met en place un jeu de narrations enchevêtrées rappelant le collage cubiste.
On pourra se demander dans un premier temps pourquoi utiliser des références bibliques pour rendre le parcours d'un ancien souteneur, meurtrier et antihéros tel que Franz ?
Berlin est une ville moderne, en pleine reconstruction ce qui provoque en Döblin et dans d'autres auteurs européens de la même époque un sentiment mitigé. En effet, la ville moderne terrorise autant qu'elle fascine.
Dans un deuxième temps, nous verrons donc que dans sa recherche pour la construction d'une nouvelle identité suite au traumatisme de la guerre, Döblin a recours au mythe biblique de la ville de Babylone belle mais dangereuse.
[...] La vanité emploie en effet toutes les subtilités de fausses justifications pour arriver à ses fins Elle pousse l'homme à se prendre pour l'idéal. Et plus il en est éloigné, plus il croit en être la réalisation.»[4] Le serpent tentateur tient un rôle dans la perversion de l'être humain, il apparaît dans la Genèse pourvu des mêmes capacités intellectuelles que l'Homme, pourtant il l'incite à la faute. Il paraît logique donc que Franz soit représenté comme un serpent : dans le roman, il est surnommé le Cobra. [...]
[...] Enfin, nous verrons la victoire de la Mort et ses conséquences. Franz Biberkopf reflet de la décadence d'une ville Dans Berlin Alexanderplatz, la principale nouveauté est le narrateur omniprésent, qui ne cherche pas à se dissocier des personnages. Tout le roman est dominé par un parler berlinois où ne se distinguent que peu les références bibliques des voix des personnages. Döblin a pour objectif de rendre la réalité : Rien ne me semblait plus important que ce qu'on appelle l'objectivité du narrateur. [...]
[...] Franz Biberkopf n'est que le capteur des différents informations qui fourmillent dans la ville, qu'il voit ou dont il se souvient. Comme tous les habitants de la ville, il est la ville vue comme un tout cacophonique et angoissant. C'est pourquoi la vie de la ville ne se sépare pas de l'expérience du personnage ; la perception et le monde forment une unité En mettant en place un personnage somme tel que Franz, Döblin lui ôte toute personnalité, toute volonté, il suit la vague qui lui paraît être la plus à son avantage. [...]
[...] Le récit biblique s'y trouve transformé en ce sens que l'important n'apparaît pas l'obéissance absolue à la volonté divine, mais une relation confiante entre le Père et le fils et l'accord du fils : ce qui exigé de lui n'est pas la soumission, mais une décision volontaire de sa part Victoire de la Mort contre la Putain Babylone A la fin du roman, Franz se retrouve confronté à la Mort qui l'attendait depuis longtemps, Döblin met en scène la mort symbolique de Franz suivie d'une renaissance de l'homme, une vie dans laquelle il prend un nouveau départ. En effet, il ne vit pas plus isolé du reste du monde mais il vivra en communauté en occupant le poste de concierge. Durant tout le roman, Franz a été désigné comme un antihéros qui ne paraissait pas être capable de changer. Il était crispé sur son moi et il avait toujours cru nécessaire de s'opposer au monde qui l'entoure. Il le rejetait, le critiquait, se croyait au-dessus des autres hommes. [...]
[...] L'autre idée qui est présente dans ce dialogue est la capacité de l'Homme à décider de son destin : Job cria : Tu ne veux pas me guérir. Personne ne veut m'aider, ni Dieu, ni Satan, pas un ange, pas un homme. Et toi-même ? Quoi moi-même ? Tu ne veux pas. Si normalement dans le livre de Job, Dieu rend à Job ses biens, sa santé car il a été bon et a gardé la foi, dans Berlin Alexanderplatz, Franz-Job n'a pas le même sort car il n'a pas les mêmes réactions. [...]
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