À parcourir l'œuvre de Maupassant, on constate que beaucoup de textes se répondent selon un jeu complexe de correspondances. Nombre de thèmes, de types de personnages, de cadres et de structures apparaissent plusieurs fois et se combinent de différentes manières. À y regarder de plus près, on découvre que ce sont aussi de grands fragments de romans ou des contes entiers que l'auteur reprend intégralement ou intègre à de nouveaux récits. Est-ce à dire que Maupassant écrit plusieurs fois les mêmes textes et que notre étude portera sur les aspects les plus ennuyeusement redondants de son œuvre ? Dans cette perspective, la réécriture serait assimilable au travail machinal d'un copiste ; le texte réécrit équivaudrait à un moulage plus ou moins précis de l'original, uniquement destiné à la seconde vente d'un même produit. Or ce serait négliger la dimension créatrice d'une telle pratique, qui participe de la poétique maupassantienne du roman et du récit bref. La réécriture comprend toujours une part d'identité et une part d'altérité. Chez Maupassant, elle débouche sur un texte qui peut être proche de son modèle par certains aspects et fortement distinct par d'autres. Elle constitue tantôt une passerelle entre les genres, tantôt une exploration stylistique. Parfois, elle accompagne un souvenir ; parfois, elle est l'occasion d'un développement ou d'un commentaire. Dans tous les cas, elle est exploitée littérairement et ne peut être réduite à un gain de temps ou au substitut d'une imagination défaillante.
Cette réécriture de soi, ou autoréécriture constitue une pratique fréquente chez des auteurs comme Maupassant. Dans le dernier quart du XIXe siècle, de nombreux écrivains se plaignent que tout a été dit et s'estiment condamnés à la répétition. Maupassant partage cet esprit « fin de siècle » quand il demande, dans son étude sur « Le Roman » : « que reste-t-il à faire qui n'ait été fait, que reste-t-il à dire qui n'ait été dit ? » Dès lors, comment éviter le ressassement et se montrer absolument original ? Quoique problématique, la réécriture apparaît donc comme une composante essentielle de l'écriture littéraire tout au long du XIXe siècle et a fortiori à l'époque de Maupassant.
[...] JØRGENSEN Jean-Claude, Les représentations d'œuvres et les figures d'artistes dans les romans de Maupassant : jeux et enjeux de la ressemblance, de l'imitation et de la répétition Bulletin Flaubert-Maupassant, p à 75. KILLICK Rachel, Mock Heroics ? Narrative Strategy in a Maupassant war story Modern Language review, vol p à KOTIN MORTIMER Armine, Second Stories in LOHAFER Susan et ELLEN CLAREY Jo, Short Story Theory at a Crossroads, Baton Rouge, Louisiana State University Press p à 298. MAILLARD Pascal, L'innommable et l'illimité. [...]
[...] Maupassant transforme la deuxième moitié du chapitre X d'Une vie dans Le Saut du berger un conte de 1882. Arselène Ben Farhat choisit ces deux textes pour montrer que l'auteur ne se limite pas à réinvestir pages toutes prêtes” (André Vial) pour gagner de l'argent, mais qu'il se livre à un réel travail de réécriture258 D'Une vie au Saut du berger les séquences descriptives sont abrégées. La comparaison des extraits suivants permet d'en juger : Il avait tourné vers la droite, et s'était mis à courir. [...]
[...] Le lecteur se désolidarise du narrateur, prend du recul et sourit à tels propos. La stratégie des Idées du colonel est donc différente de celle de Souvenir qui était déjà différente de celle du Mariage du lieutenant Laré Ces trois textes, pour être proches sur le plan structurel et même formel, n'en diffèrent pas moins au niveau de la tonalité et des intentions qui président à leur rédaction. Dans le Souvenir de 1884 aussi, l'auteur s'adresse directement aux lecteurs, mais pour les assimiler à des proches : Vous rappelez-vous, vieux amis, mes frères, ces années de C. [...]
[...] Philippe Hamon, qui identifie dans le discours réaliste une hypertrophie de la redondance39 note encore que des scènes types40 et des personnages types41 y réapparaissent. Plus rarement, ce ne sont pas des types de personnages qui reviennent, mais des figures individualisées. La marquise de Rennedon et la baronne de Grangerie interviennent dans Sauvée (1885), La Confidence (1885) et Le Signe (1886). Observant ces résurgences, Forestier avance une hypothèse : C. N. II, p C. N. p C. N. II, p sq C. [...]
[...] Peut-être que, pour Maupassant, le roman occupe désormais une place trop noble dans la hiérarchie des genres littéraires pour tolérer la réécriture. En tout cas, la frontière symbolique entre les deux genres tend à s'affirmer au fil des années. Rien de tel à l'époque d'Une vie (1883) et de Bel-Ami (1885). André Vial dans Genèse d'« Une vie »222 et Louis Forestier dans son édition des œuvres littéraires complètes sont d'accord sur les données génétiques globales des réécritures qui touchent ces premiers romans. [...]
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