La Queste del Saint Graal est un roman en prose composé dans les années 1220-1230 qui s'insère dans ce vaste cycle romanesque qui est celui du Graal.
Il convient en premier lieu de connaître la place qu'elle occupe dans la longue série des récits du Graal. En effet, cette version «religieuse» du récit épique s'inscrit dans un sillon déjà creusé par les versions profanes antécédentes. Aussi, il nous faut afin de mettre en relief cette spécificité rappeler la filiation littéraire au sein de laquelle elle s'inscrit.
Composé par Chrétien de Troyes vers 1181 et 1190, Perceval ou Le Conte du Graal est le premier roman du Graal. L'auteur nous narre l'histoire de Perceval, un jeune homme naïf et ignorant. Ce personnage évolue et progresse au contact du monde et devient progressivement un parfait chevalier.
Perceval arrive un jour au château du Graal où il est reçu par un roi infirme : le roi Méhaigné et assiste avec lui à un spectacle étrange : un jeune homme porte à la main une lance ensanglantée, une demoiselle porte dans ses mains un tailloir d'argent, une autre le Graal. Perceval ne pose pas de question à propos de ce singulier cortège et demeure silencieux : il échoue dans sa quête et par conséquent, ne parvient pas à sauver le roi infirme.
Perceval n'est plus confronté à une aventure ordinaire, c'est-à-dire purement terrestre où il doit s'illustrer par les armes ; l'aventure est plutôt d'ordre célestiel.
L'inachèvement de ce récit va inciter d'autres auteurs, soit à en écrire la suite, soit à en écrire une nouvelle version.
Ainsi, quatre continuateurs se sont succédé dans les premières années du XIIIe siècle, à savoir jusque vers 1235 environ :
La première continuation, anonyme, fait de Gauvain le héros de l'histoire. On y trouve le motif de l'épée brisée que le héros doit ressouder, le Graal qui confère des mets merveilleux, la lance qui saigne. Il n'y a pas ici le cortège des saintes reliques.
La deuxième continuation, anonyme elle aussi, fait de Perceval le héros de l'histoire. On retrouve l'étrange cortège du Graal, la lance qui saigne, l'épée brisée que Perceval doit ressouder. Le récit se termine sur la réussite de l'épreuve.
La troisième continuation écrite par Gerbert de Montreuil apporte de nouveaux détails. Perceval apprend par son oncle que les anges détiennent le Graal et l'apportent au château du Roi Pêcheur. Le héros arrive à une abbaye où il trouve couché dans un lit, un roi au corps couvert de plaies : il s'agit du Roi Mordrain qui attend d'être soigné par le Bon Chevalier.
La quatrième continuation est attribuée à Manessier qui va être le seul à achever le récit du Graal. On retrouve aussi ici les saintes reliques. Le Graal est apporté en Grande-Bretagne par Joseph d' Arimathie qui quitte la terre sainte et passe par la ville de Sarraz. Perceval guérit le Roi Méhaignié, le Graal rassasie tous les convives. Perceval devient le roi du château du Graal.
Après plusieurs années de vie royale, celui-ci se retire dans un ermitage, devient prêtre et meurt saintement. Les saintes reliques et le Graal disparaissent avec lui.
[...] Dans la Queste, les références aux faits historiques sont développées de façon implicite par l'auteur : la cité sainte de Sarras est en fait la Jérusalem céleste romanesque, le motif de la quête du saint Graal métaphorise la recherche de Dieu et prix de cette entreprise sera l'union avec Dieu en une harmonie totale»[247] Au lieu de placer, comme le faisaient les Templiers, la chevalerie au service de la religion, la Queste présente la chevalerie comme un ordre religieux. En effet, Galaad est davantage considéré comme un prêtre - chevalier que comme un militaire défendant des conceptions religieuses. Comme nous avons pu le constater au cours de nos analyses iconographiques, Galaad est représenté sur le modèle d'un christ en armes», car il possède l'écu du christ frappé d'une croix vermeille, il porte sur ses vêtements la croix du christ, l'emblème de la chrétienté. Pareillement au christ, Galaad est de passage sur terre pour la rédemption de la chevalerie. [...]
[...] Ibid., p l Ibid., p l 32. La Queste., p l Ibid., p l Ibid., p l Ibid., p l La Queste., p l 22. Bartoli, R. «Galaad Figura christiani, senefiance nella Queste del saint Graal», Museum patavinum p 361, Trad. Brigitte Hüe- Giraud. Strubel, Armand, La Rose, Renart et le Graal, éd. Champion, p 275. Frappier, Jean, Autour du Graal, Genève, Droz p La Queste., p l 14. La Queste., p l 27. [...]
[...] De même, elle va expliquer à Perceval, la senefiance des événements qui se sont produits depuis l'apparition du Nouveau Chevalier et lui exposer les thèmes essentiels de la Queste à travers l'histoire des Trois Tables. Enfin, elle va l'engager à retrouver Galaad qui lui est nécessaire pour la Quête : «quant vos l'avroiz rové, si tenez sa compaignie au plus que vos porrez»[132] et lui donne des indications sur le trajet à suivre pour rejoindre le Bon Chevalier : «vos conseillerai je au mielz que je porrai»[133]. [...]
[...] Bohort va jouir de la même notoriété auprès de ses pairs que Perceval et Galaad, précisément quand il pénètre dans le groupe très restreint des élus. D'emblée, Bohort se distingue des deux autres élus par l'absence de sa virginité : «Mes il l'a puis einsi bien amendé en sa chasteé que toz est pardonnez icelui meffez»[143]. Dans la vision de Gauvain, Bohort n'est pas, comme Galaad et Perceval, un taureau «blanc et sanz tache»[144] ; il est, au contraire, tacheté : tierz ou il avoit eu signe de tache, ce est Boorz»[145]. [...]
[...] Il incarne, en effet, toutes les vertus chevaleresques. L'auteur de la Queste met en valeur le personnage de Galaad aux dépens des autres chevaliers arthuriens : le Bon Chevalier réussit avec éclat précisément là où les autres échouent. C'est la réussite aux épreuves qui témoigne du caractère acquis de l'élection du nouveau personnage et de sa suprématie. Galaad est donc désigné comme le nouveau maître de la Table Ronde, et le personnage du roi Arthur va progressivement s'éclipser à son profit. [...]
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