Mémoire de maîtrise sur le roman de Jean Malaquais Les Javanais (prix renaudot 1939). 'Un théâtre d'ombres tournantes', un roman à dimension épique. Notre travail cherchera à expliciter la parole souvent mystérieuse d'un roman hors du commun, et d'évaluer sa portée tant philosophique que littéraire, c'est-à-dire à répondre à l'impression réelle que Malaquais annonce déjà Camus dans Les Javanais, dans une vision parallèle du monde et dans une façon voisine d'y vivre. Il y a comme une connaissance lucide d'une fatalité qui cohabite avec l'envie persistante de ne pas céder. Un nouveau Sisyphe ? Peut-être un pré-Camus
[...] Les personnages sont aussi caractérisés par leur langage. Comme au théâtre, ou au cinéma, la place donnée à la parole des personnages est grande. Chaque individu a son langage propre. L'auteur s'applique à faire entendre la voix particulière de chacun. La parole est rendue par le biais de dialogues, de monologues, et par discours indirect libre. Les conversations à plusieurs, ou dialogues, sont très nombreux dans le roman, aussi en on tiré quelques uns à titre d'exemple : (105-110) et (216-218) les conversations au château de Kerrigan avec Anatole et Carboni, où l'auteur confronte les trois paroles : l'administrative et redondante parole d'Anatole, l'agressive et triviale parole du brigadier, et l'ironique et flegmatique parole de l'Anglais. [...]
[...] Java, c'est le refus de vivre soumis, c'est le refus de la résignation. Il nous est donné à étudier de plus près la sensible parenté du roman avec la mouvance libertaire. La langue par ailleurs, nous apparaît avoir dans le roman une place primordiale. Elle sera en effet toujours à la frontière des deux mondes, l'outil distinctif par excellence. L'auteur rend à chacun, utilisant la technique du style indirect libre, sa parole, donc son caractère, sa personnalité. La langue marquera la frontière entre les professions, la langue de l'administration, du commerce, de la gendarmerie, la langue du Javanais populaire, et du Javanais instruit, la langue du Bateau-lavoir enfin, le javanais propre, et qui symbolise la fusion finale et éternelle de toutes les langues en une seule, comme affirmation d'une culture qui refuse le cantonnement territorial, qui prend pour elle toute œuvre humaine. [...]
[...] Hans, fils d'aristocrate, a fait le choix de son avenir. Il ne succèdera pas à son père, n'épousera pas la carrière militaire, ne défendra pas son pays. Hans, fils indigne, se révolte contre son propre rang : alla déféquer au caveau de famille A la manière de Kropotkine, illustre anarchiste russe à l'origine noble, il rejoint la plèbe, il brise le lien avec le passé éternel de la noblesse et se largue dans la circumnavigation hygiénique des cinq continents. Hans est la figure de la révolte contre ses propres privilèges, la révolte contre le confort et la hiérarchie. [...]
[...] A nous le ramassage du bois, à toi les layettes. Et tu penseras au ragoût. C'est ton tour aujourd'hui, catéchumène Magnus. Il est la voix de la raison à la case 19, la voix la plus sérieuse, qui garde des repères fixes lorsque les autres les perdent ; Hans lui annonce sa nouvelle lubie : le Canada. Karl ne cède pas aux illusions de Hans et lui rappelle les objectifs communs fixés : Puis ton Grand Nord c'est du toc. [...]
[...] Anatole est le premier de ces protagonistes comiques. Adjoint au maire et receveur des P.T.T, Anatole est l'homme des redondances, l'homme du langage administratif, engoncé dans ses règlements, et lâche de surcroît. Personnage timide il est l'image de ce fonctionnaire des bureaux, consensuel, strict sans intelligence ni réflexion sur l'application des règlements, apte, sans aucun doute, à jouer pleinement son rôle dans le régime de Vichy qui n'est plus très loin. Quelques détails donnent une idée du physique peu imposant d'Anatole (102) : des mains moites, une barbiche, un lorgnon, une tendance à se (107) tasser sur lui- même quand ça va mal. [...]
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