Les Illustres Françaises, de Robert Challe

Résumé du document

Il n'est pas rare qu'une œuvre littéraire tombe dans l'oubli après avoir connu un succès durable. Le silence qui tomba sur Les Illustres Françaises dura plus d'un demi siècle. Or ce silence a bon droit de nous étonner. En effet, l'ouvrage de Robert Challe connut, dès sa parution en 1713, et pendant tout le XVIIIe siècle, un succès qu'attestent les quinzaines d'éditions, des traductions en allemand, en anglais et en hollandais, l'influence sur des auteurs aussi importants que Marivaux, Prévost ou encore Richardson. Dans cet ouvrage Challe rassemble une dizaine d'amis désireux de confronter leurs expériences amoureuses. Toutefois, il ne s'agit pas d'une simple juxtaposition narrative de nouvelles autonomes. Les sept personnages principaux sont alternativement acteurs et narrateurs et les conflits exposés au fil de l'ouvrage sont résolus au terme de la septième et dernière histoire. Lorsque l'on étudie Les Illustres Françaises, il apparaît que la principale difficulté de l'œuvre tient à l'ampleur du texte et à la complexité de son univers romanesque. Ainsi il apparaît pertinent, avant de débuter notre étude, de résumer les sept histoires successives.

Extraits

[...] Le torturé n'a aucune chance de se défendre. La torture élimine l'action et brise la personne. La victime est tout entière aux mains de l'ennemi, elle est livrée à son arbitraire, à sa fureur, à sa joie perverse et à sa volonté de détruire. Elle n'est plus qu'un corps sans défense, épuisé et recroquevillé sur lui-même. La violence n'est limitée par aucune force contraire. La réciprocité est superflue. Le tortionnaire n'a rien à craindre, il n'a donc pas besoin d'adopter la perspective de l'autre. [...]

[...] Le passage du latin au grec confirme ce noyau de signification. À la vis latine correspond l'is homérique (ιξ) qui signifie muscle, force, vigueur. Ce même mot se rattache à l'expression bia (βια) qui veut dire la force vitale, la force du corps, la vigueur et, par conséquent, l'emploi de la force, la violence, ce qui contraint et fait violence. Les spécialistes lient ces termes au sanskrit j yắ qui désigne la prédominance, la puissance, la domination. On trouve donc au cœur de la notion de violence l'idée d'une force, d'une puissance naturelle dont l'exercice contre quelque chose ou quelqu'un fait le caractère violent. [...]

[...] (p.223-224) Ce qu'il est important de noter à propos de ces deux exemples c'est que la violence du père s'exerce non seulement au travers des coups et des mauvais traitements, mais également parce qu'il conteste la naissance de sa fille en la considérant comme un domestique. Il lui attribue, de fait, une fonction sociale qui ne correspond pas à son rang. Si l'héroïne conteste ceci c'est parce qu'elle assimile la fonction sociale à l'être. De plus, on peut observer l'attitude paradoxale de Monsieur de Terny. [...]

[...] Techniques narratives et poésie romanesque dans Les Illustres Françaises de Robert Challe, Caen, Paradigme DELLEY R., La passion, l'obstacle et le roman. Etude sur Les Illustres Françaises de Robert Challe, Berne, Peter Lang, Editions scientifiques européennes DEMARS-SION V., Femmes séduites et abandonnées au XVIIIe siècle. L'exemple de Cambrésis, Lille, L'Espace Juridique. Histoire Judiciaire DEMORIS R., Le roman à la première personne, Paris, A. Colin FARGE A., Proximités pensables et inégalités flagrantes Paris, XVIIIe siècle De la violence et des femmes, sous le direction de DAUPHIN C. [...]

[...] 407-408) Silvie subit, non seulement une tentative de viol brutale étant donné les marques qui persisteront bien après l'agression, mais elle endurera également un second type de violence sexuelle qui est le viol. Nous distinguons dès à présent deux représentations de viol distinctes. D'abord, celui que souffre Silvie et qui est l'œuvre de l'infâme Gallouin. Ensuite les viols que subissent les femmes mariées de la part de leurs époux. En premier lieu nous allons nous intéresser au viol de Silvie. [...]