Ce document est un petit mémoire de 12 pages qui porte sur "La Gynandre" de Joséphin Péladan.
Il est intéressant de prolonger l'exploration de l'inversion par une bascule vers une thématique à rebours de la pensée décadente : le saphisme fin-de-siècle semble plus dangereux que celui des naturalistes. Quels sont ses dangers ? Quelle représentation sociale et sexuelle de l'inversion féminine est à l'œuvre dans ce roman ? Que révèle la question du genre ? En somme, dans quelle mesure le roman offre-t-il une vision proprement décadente de la tribaderie ?
Un premier temps de notre étude, se concentrera sur la représentation sociale du monde « gynandrique » proposé par Péladan dans son roman. Un deuxième temps ouvrira la réflexion sur la sexualité et cherchera à montrer les liens de l'auteur avec la psychiatrie naissante dans son traitement de l'homosexualité féminine. Enfin, un dernier temps cherchera à montrer les tensions et les tentations poétiques à l'œuvre dans le roman étudié.
[...] Le roman décadent devient à tout égard moral, à rebours de sa prime vocation. Dernier trait poétique accordé à l'homme : celui de la création lexicale. Puisque la femme saphique n'est plus qu'une héritière ratée de Sappho, il lui faut un nouveau nom. La « Gynandre », expression trouvée par la psychiatrie de l'époque et repris par Péladan résume désormais mieux le trouble que dégage une telle « déviance ». L'individu féminin est alors scindé en deux, perdant, de fait sa capacité à être « individu ». [...]
[...] Tammuz conduit, à l'instar des nouveaux psychiatres, des séances de questions / réponses dont nous pouvons au moins donner un exemple : « Confidentielle et de la voix basse un peu traînante du souvenir, elle disait son enfance dans un château où, dénicheuse de nids, garçonnière, et les jupes toujours déchirées, elle affolait les institutrices, jusqu'à cette dix-septième année où elle épousa un gentillâtre pour venir à Paris. Maintenant veuve depuis quatre ans. " Vous n'avez pas souhaité d'enfants ? [...]
[...] Si le dandy a la part belle en littérature, il n'en va pas de même avec la femme saphique. En effet, alors que le premier bénéficie d'une aura littéraire (personnage, artiste, Muse), l'héritière de Sappho se voit moralement condamnée. Une hypothèse pourrait justifier l'anathème par la profonde crainte que ressent l'homme face à cette femme libérée de lui. Sexuellement autonome, la femme saphique du XIX[e] peut se rallier auprès de ses amies et décupler ainsi sa force. Une autre hypothèse serait que, pour la doxa finiséculaire, le saphisme participerait au déclin démographique annoncé par les thèses de Malthus. [...]
[...] D'ailleurs, Tammuz s'en emparera et pastichera les deux vers finaux du poème pour formuler le leitmotiv de sa quête : « Un soir ramènera vers Lesbos qui pardonne / Le cadavre adoré de Sapho qui partit » devient « TAMMUZ ramènera vers EROS qui pardonne / LA COHORTE adorée de Sapho qui partit ». La substitution des noms engendre un retournement puisque que l'adoration devient rédemption. Une nouvelle fois, l'esprit religieux et moral de Péladan s'empare du matériau décadent pour montrer la possibilité du renversement. Les deux vers seront régulièrement martelés par Tammuz lorsque celui-ci perdra espoir. La poésie vient ici au secours non de la femme mais de l'homme. Sappho s'est effacée. D'ailleurs, seuls les poèmes de Baudelaire seront cités par les deux amis lors de leur nuit d'ivresse morale. [...]
[...] Bibliographie Corpus littéraire BAUDELAIRE Charles, Les Fleurs du mal, Paris, Le livre de poche s LOUŸS Pierre, Les Chansons de Bilitis, illustré par Gilles Marie, Paris : Livre club du libraire MENDES Catulle, Méphistophéla, Paris, Hachette PELADAN Joséphin La Gynandre, Genève, Slatkine RACHILDE, Madame Adonis [1888], Paris, J. Ferenzi et fils Corpus critique CHAPERON Sylvie, La Médecine du sexe et les femmes, Anthologie des perversions féminines au XIXe siècle, Paris : La Musardine, coll. « L'attrape-corps » FOUCAULT Michel, Naissance de la clinique, Paris, Seuil G. ALBERT Nicole, Saphisme et décadence dans Paris fin-de-siècle, Paris : La Martinière DE PALACIO Jean, Figures et formes de la décadence, Paris : Séguier ZIEGLER Robert, Asymptote, An Approach to Decadent Fiction, Amsterdam, Rodopi, 2009. [...]
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