Retour aux mots sauvages de Thierry Beinstingel, Naissance d'un pont de Maylis de Kerangal, représentations du monde du travail, vision du travail, vision de la société, relations humaines, division du travail, image du travail moderne
D'après Jean-Paul Engélibert, la représentation du travail dans la littérature est une ancienne pratique qui trouve notamment ses débuts dans les récits picaresques. Mais ce sont alors des portraits critiques, des satires qui ont pour but de montrer les revers des professions honorables. Il ne s'agit pas d'une représentation du travail à proprement parler ou d'une description documentaire. Aussi, selon lui, d'une part les notions de « travail » et de « littérature » acquièrent leurs sens modernes au XIXème siècle et, d'autre part, la représentation du travail dans la littérature ne fait histoire qu'à partir d'une date récente. « Ainsi, dit-il, il n'y a pas de spécialisation en histoire littéraire sur ce sujet-là et l'intérêt pour ce thème est relativement nouveau.
[...] Sanche Alphonse Cameron se sent à bord de sa grue comme l'épicentre solitaire d'un paysage en mouvement, intouchable et retranché, il est le roi du monde. (NUP, 83). Summer Diamantis, professionnelle du béton, n'a qu'une idée en tête : aller voir la centrale à béton. (NUP, 73). Aussi, [a]utour d'elle, la centrale à béton ronronne [ ] l'enveloppe comme une couverture, une sorte de cabane mentale où elle passe maintenant le plus clair de son temps : la centrale est devenue sa demeure, un abri. [...]
[...] (RAMS, 213) et que s'instaurera entre eux une relation d'amitié. Ils finiront par lui offrir un cadeau avec son nom d'emprunt écrit dessus : -Vous voyez, pour nous vous êtes Éric (RAMS, 278). Une autre ouverture a lieu dans le monde d'Éric : les vacances. Même s'il s'agit d'un temps libre offert dans le cadre du travail, il constitue néanmoins un moment de bonheur, est bien, quinze jours par an, ce n'est pas la mer à boire mais c'est la vie entière qu'on veut engloutir avec appétit. [...]
[...] Il n'y a de sauvage que ce que ces mots impliquent : le surgissement de la mort dans un monde qui ne s'y attendait pas. Ainsi, les mots recouvrent diverses réalités, et ils ont d'abstrait le seul fait qu'ils soient volatils. Leur utilisation se rapporte toujours à une situation particulière, ils sont dits par quelqu'un, ils sont difficiles à entendre (les insultes), difficiles à dire ou à échanger (avec sa femme), se battent contre le silence, ils sont automatisés (protocole), brutaux (mots sauvages). [...]
[...] Pour ces derniers, il s'agirait dans un premier temps de se demander de quels mots parle-t-on, par qui sont-ils prononcés. i. Les mots divers Il y par exemple, les mots des interlocuteurs, ceux-là sont parfois dur : Je voudrais savoir si tu préfères sucer ou te faire mettre. (RAMS, que ce n'est pas étonnant avec toutes vos conneries, ce qui vous arrive. Vous devriez tous faire comme la vingtaine de vos collègues. (RAMS, 158), parfois compatissants, [c]'est juste pour vous dire que j'ai travaillé chez vous jusqu'à ma retraite, voici douze ans. Je sais ce que c'est. (RAMS, 157). [...]
[...] Quatre types vêtus de pardessus sombres leur octroyant des épaules larges mais déclinantes s'en extirpent avec lourdeur (NUP, 130). Parmi eux, le Français, un homme colossal, chevelure blanche ramassé en catogan sur la nuque, lunettes fumées, cigarillo, veste sombre à doublure satinée pourpre. (NUP, 130). Cette arrivée n'est pas sans évoquer une mafia. Nous qualifions ainsi de romanesque une séquence qui emprunte des codes qui évoquent à la fois un genre de récit et une réalité. Cette réunion a en effet pour but de trouver un moyen de faire stopper la construction du pont : corrompre la commission de sécurité pour obtenir la fermeture du chantier, acheter le lobby écologique pour lancer une campagne de dénigrement contre le pont, soudoyer les syndicats et miser sur le déclenchement d'une grève ouvrière. [...]
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