Le mythe fascine, interpelle par sa valeur de symbole pour une communauté, par sa résistance au temps, mais également par son caractère universel. Cas d'intertextualité par excellence, « Le mythe est souvent traité comme un invariant, un système dont la valeur serait universelle et immuable […]. Dès le moment où il est inscrit dans un temps et dans un lieu, qu'il est soumis à une finalité précise et adressé à un groupe particulier, il subit nécessairement une actualisation et une transformation ». Cette remarque de Michel Jeanneret permet de se rendre compte qu'au sein d'un mythe littéraire, les réécritures qui s'opèrent et se développent naturellement au gré de l'inspiration des auteurs, permettent au mythe de rester actuel et de s'enrichir considérablement. Lorsqu'un personnage mythique retient notre attention au point de vouloir l'étudier, cela implique une connaissance du mythe, c'est-à-dire des textes antérieurs, ainsi que des aptitudes de lecture de la part du comparatiste et même du lecteur pour percevoir les échos et les nouveautés de chaque texte par rapport à la tradition à laquelle il appartient. Le mythe littéraire suppose une lecture « ouverte », une lecture qui dépasse les limites de l'œuvre ou d'une époque. Chaque texte s'inscrit dans une corrélation de plusieurs textes, participant à la tradition du mythe, qu'il convient donc d'étudier afin de parvenir à saisir les enjeux de cet incessant mécanisme écriture réécriture.
Le mythe de Psyché est un mythe qui est apparu dans la littérature à travers l'œuvre d'Apulée, L'Ane d'or ou les Métamorphoses, écrite au deuxième siècle après J-C, qui a su se constituer comme tel au fur et à mesure d'un processus d'écriture réécriture passionnant au cours des époques. Comparer deux versions datant d'un même siècle et de deux pays différents, la France et l'Espagne, présente de nombreux intérêts, tant au niveau de la réinterprétation du mythe de la part des auteurs que du choix des motifs repris ou au contraire modifiés, voire supprimés. Calderón de la Barca avec Ni Amor se libra de amor (1662) et Molière avec Psyché, écrite en 1671, se sont révélés deux auteurs clés du XVIIème siècle ayant tout deux réutilisé, sur commandes royales, le conte d'Eros et Psyché d'Apulée.
Comparer ces deux pièces afin d'étudier les adaptations du mythe de Psyché sera le but de cette étude qui analysera les invariants et les transformations du mythe d'Eros et Psyché, à partir du conte d'Apulée, afin de percevoir les enjeux du mythe.
Dans un premier temps, il conviendra de présenter la notion de mythe littéraire indissociable de celle d'intertextualité et de voir le lien qui unit mythe et société afin de prendre conscience de l'influence de Calderón dans le théâtre français du XVIIème siècle ainsi que la place du mythe d'Eros et Psyché dans son oeuvre et dans celle de Molière.
Puis, l'étude des invariants et des transformations du mythe étudié permettra de mettre en exergue le caractère spectaculaire du mythe au travers du genre théâtral et du conte dans les œuvres considérées. Par la suite, une analyse comparative de la structure et des personnages sera menée afin de montrer les différences qui s'opèrent d'un genre à l'autre et entre les dramaturges.
Enfin, la dernière partie de cette étude comparative analysera le mythe dans ses dimensions visuelles ainsi que la question d'une possible interprétation allégorique, inspirée de la version d'Apulée, qui amènera à s'interroger sur les concepts de « sacré » et de « profane » dans les œuvres.
[...] Eros est l'homme de l'ombre, de la nuit, celui qui masque son identité derrière l'obscurité de la chambre. La scène de la chambre joue sur l'opposition symbolique ombre/lumière. Dans l'obscurité, Eros peut approcher en sécurité son amante ; la notion de mortel et de divinité n'existe plus tant que dure la nuit. Le jour, univers de lumière ne permet pas cela. Tout est visible, Cupidon ne peut cacher son apparence divine. L'amour du dieu pour Psyché étant si fort, celle-ci ne peut concevoir qu'un mortel puisse aimer de cette façon et elle en vient même à se perdre dans des rêveries elle vante ses perfections au point de s'imaginer que c'est quelque dieu qui, pour la voir, descend de l'Olympe» (Jr.3, sc.1 està persuadida a que es algùn dios que ha verla baja de las esferas L'amour absolu de Cupidon laisse inconsciemment percevoir sa divinité malgré l'obscurité de la chambre. [...]
[...] Il met ainsi en scène le palais de Cupidon, qui n'est pas réel. Le spectateur est alors avide de tout voir et est même ébloui par la beauté de ce qui lui apparaît. Dans ce théâtre du merveilleux, le spectateur désire voir l'ornement qui permet de donner une dimension magistrale à la représentation théâtrale. Seule l'invisibilité de Cupidon est difficile à rendre sur une scène. Ainsi, dans un souci de vraisemblance, Cupidon apparaît déguisé sous une forme humaine : il conserve une beauté indescriptible et ses attributs permettent une identification immédiate du public. [...]
[...] On admire cette face de déesse mais c'est comme une statue d'un art sans défaut que tout le monde l'admire. ( nec quisquam, non rex non regius nec de plebe saltem cupiens ejus nuptiarum petitor accedit. Mirantur quidem divinam speciem, sed ut simulacrum fabre politum mirantur omnes. - Livre IV, 32). Apulée montre que Psyché quant à elle, dénigre cette beauté elle déteste en elle cette beauté dont s'enchantent des nations entières. ( quamis gentibus totis complacitam odit in se suam formonsitatem. [...]
[...] Vous avez contre moi séduit des immortels ; (v.1905- 1911) Vénus souligne non seulement la désobéissance de son fils mais aussi l'amour interdit d'un dieu pour une mortelle. Cupidon a donc transgressé, dépassé la limite du monde divin. Ce dépassement de frontières provoque un déséquilibre qui doit rapidement être rétabli comme l'exprime Jupiter : Parle, et laisse-toi vaincre aux tendresses de mères, Ou redoute un courroux que moi-même je crains. Veux-tu donner le monde en proie A la haine, au désordre, à la confusion ? [...]
[...] Revista de Literatura, Madrid, LXI, no 122. 1999: pp. 549-556 Von Franz ML., Interprétation d'un conte d'Apulée : l'âne d'or, Ed. Fontaine De Pierre Pierre Maréchaux, Commelin, Mythologie grecque et romaine, Nathan Université Lévi-Strauss, Anthropologie structurale. Plon p De Rougemont, L'Amour et l'Occident, Plon MC. Huet-Brichard, Littérature et mythe André Siganos, Le Minotaure et son mythe, PUF Mythographies, éditions José Corti MC. Huet-Brichard, Littérature et mythe Genette G., Palimpseste, Paris : Seuil, coll. Points Seuil MC. [...]
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