Errance, Charles Baudelaire, Alvaro Mutis, André Breton, modernité, écriture vagabonde
« La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable » (Charles Baudelaire, Le peintre de la vie moderne). De l'oeuvre de Baudelaire, publiée en 1857, à celle d'André Breton, Nadja, un peu moins d'un siècle plus tard, en 1928, en passant par l'oeuvre du colombien Alvaro Mutis, qui suit la période de la Seconde Guerre mondiale, le voyage au coeur du fugitif est omniprésent. En quoi ces trois hommes conceptualisent-ils l'errance comme une traduction moderne de l'être au monde ? De la prédisposition qui conditionne le processus d'errance, à l'originalité de sa manifestation, tant dans l'oeuvre elle-même quand dans l'écriture vagabonde qui l'encadre, toute l'oeuvre des écrivains sera prise en compte, car l'étonnante interaction des textes, ainsi que leur complémentarité, dresse un portrait au plus complet de l'errance et donne à voir ses multiples facettes.
[...] Quant à sa patrie, il ignore sous quelle latitude elle est située De même, dans Les bons Chiens, cette allégorie de l'être errant par excellence ne dispose d'aucun papier officiel, administratif, faisant d'eux des êtres vrais, exacts : Et ils sont tous très exacts, sans carnets, sans notes et sans portefeuilles. Parallèlement, dans Les vocations, il est témoin d'une scène où quatre enfants discourent sur leur quotidien, leurs ambitions, révélant implicitement tout un pan de leur personnalité. Le quatrième enfant se passionne pour les vagabonds qu'il a entrevus lors d'une foire et qui ont provoqué en lui une sorte de révélation. [...]
[...] Paradoxalement passionné par l'errance, il dira : L'exil fait mal, il blesse et finit par tuer. Aucun être humain n'est fait pour vivre hors de la terre où il est né. C'est une de mes convictions profondes. (Revue Eco, juin 1981, exilé depuis 25 ans.) C'est d'abord l'exil qui motive l'errance chez ce poète : plus d'identité, arraché à sa terre natale, il se considère sans identité et peut donc vivre en être libre et affranchi de tout lien affectif, qu'il soit géographique ou relationnel. L'identité d'un être humain, c'est d'abord son nom. [...]
[...] Ainsi, l'errance, qu'elle soit le résultat d'une passion pour l'inconnu, le voyage, le mouvement, la conséquence d'un penchant maladif, traduit toujours une quête plus profonde : à la recherche de soi, l'errant cherche décrypter le monde et ses secrets, faisant de cette activité permanente un mode de vie à part entière. L'errance, au départ pensée comme aventure, devient la manière de vivre de ces errants du présent. Maqroll parle de la trajectoire de son existence définissant sa vie comme un parcours semé de rencontres. [...]
[...] La ville de Paris, l'amérique latine, la mer, tantôt lieux précis, tantôt abstraits, toute une typologie de lieux est évoquée dans ces trois œuvres. Quoique moins déterminé chez Baudelaire, le lieu permet surtout d'annoncer une sensibilité particulière de l'artiste, qui annonce sa singularité. Sans attaches, sans lois, à l'écart de la civilisation avec laquelle l'errant ne peut être en phase, le seul lieu d'épanouissement qui lui reste est l'anonyme : la rue, la foule, la nature vierge, le désert l'utopie ! [...]
[...] Comment ne pas faire le lien avec cette quasi- reformulation de Breton lorsqu'il évoque la manifestation de l'errance : ( ) sans but, je poursuivais ma route dans la direction de l'Opéra. ( ) J'observai sans le vouloir des visages, des accoutrements, des allures. Quiroz, lors d'une entrevue avec Alvaro Mutis, dira de lui : Tu as une vénération pour la peinture, d'où l'hommage à Obrégon dans Tryptique de la Terre et de la Mer et au début de Jamil. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture