Les deux œuvres sur lesquelles se porte notre étude n'ont pas la dimension d'un Cent ans de solitude ou d'un Texaco. Cependant, elles couvrent une période temporelle assez grande pour que les divers changements et évolutions que subissent les sociétés dont elles font le portrait soient clairement perceptibles. En effet, si on décidait de faire un résumé des deux ouvrages, le résultat ne serait guère riant.
Patrick Chamoiseau évoque une société créole en crise, perdue entre les valeurs traditionnelles et l'influence toujours plus forte de la France mais aussi de l'Europe en général. Garcia Marquez, quant à lui, raconte les vicissitudes et les déséquilibres d'une communauté en proie à la violence et dont les fondations, déjà fragiles, s'effondrent peu à peu. Mais peut-on dire pour autant que nos auteurs ont donné vie à des œuvres que l'on pourrait qualifier de tristes, voire même de moroses ? L'univers de Chronique des sept misères est loin d'être sombre même s'il évoque la fin d'une ère. Comme on l'a vu, cette issue dramatique est incarnée par la disparition des djobeurs, donc de leur travail et de leur influence sur la vie de la communauté.
Le « nous » communautaire, ce « nous » qui parlait au nom du groupe, d'une collectivité forte et solidement ancrée dans le quotidien, perd peu à peu de sa force et tend à disparaître. Les djobeurs, jadis si présents et indispensables n'ont plus de rôles à jouer et métaphoriquement parlant, se fondent physiquement dans le décor du marché. Le plus dramatique est qu'ils se rendent compte de cette lente désagrégation. Depuis que la vieille Elmire est morte « personne ne nous voit plus, ni ne nous cherche, il suffirait pourtant d'un souvenir, comme un appel au djob » (p.240).
[...] Le récit commence donc dans un espace clos, la chambre du docteur, espace dont on ne sort que par la pensée. Si ouverture vers l'extérieur il y elle n'est permise qu'à la toute fin de l'œuvre. Elle se fait sur la rue, sur le reste du village dont sur le reste du monde et n'est pas sans risques. Isabelle l'attend avec angoisse, elle est espérée par le colonel et seulement mentionnée par le petit-fils de ce dernier : Maintenant je vois la rue. [...]
[...] Le monde avance et se modifie d'une manière inexorable et pour continuer à y avoir sa place ; mieux vaut savoir s'adapter et se détacher de ce que fut le passé. C'est une forme de résistance puisqu'en s'accrochant ainsi, les individus refusent d'être les victimes de l'Histoire et des puissances extérieures, mais tous n'en sont pas capables. En effet, la lutte n'est pas toujours possible. L'exemple de la compagnie à Macondo et les nouvelles pratiques de commerce qui émergent sur le marché de Fort-de-France détruisent en partie un univers, car ils font passer l'économie avant la culture. [...]
[...] Il préfère mentionner un personnage de papier, Aureliano Buendia dont il développera les exploits militaires dans Cent dans de solitude. El Cachorro devient également une figure qui a compté dans les conflits de l'époque : Les anciens rappelèrent ses activités durant la guerre civile de 1885. Ils rappelèrent qu'il avait été un garçon intrépide, têtu, hostile au gouvernement (p.57). El Cachorro, sans devenir pour autant un modèle, s'est illustré dans cette période difficile et a prouvé qu'il avait des principes et des convictions politiques. [...]
[...] En effet, elles sont liées dans la mesure où la langue constitue l'une des composantes de la culture, elle est en effet associée aux différentes formes de pratiques sociales communautaires. Le choix de la langue d'écriture est souvent lourd d'implications et n'est jamais neutre. Pour chaque écrivain, la première nécessité est de savoir définir sa propre langue d'écriture. La créolisation de la langue peut apparaître comme le moyen d'affirmer une identité créole. Jouer avec les structures de la langue française, en tirer des constructions ou des mots nouveaux sont, en quelque sorte, le travail de la société colonisée. [...]
[...] Elle a son propre répertoire et nul autre ne peut comme elle parler de ces pays lointains et de ces voyages fascinants. Les récits d'Elmire ont une fonction de divertissements, un temps particulier leur est consacré, celui de la pause. D'autres conteuses interviennent également. On peut citer Man Doudou, la mère d'Odibert qui, n'ayant aucune mémoire, passe son temps à raconter la même histoire à Héloïse : comment sa fille est devenue marchande de pompes funèbres. Man Goul, la femme qui a recueilli la jeune Anastase, passionne également l'assemblée en racontant l'histoire de Kouli, l'ancêtre de sa jeune protégée : Malgré les protestations de Pipi, nous suppliâmes Man Goul de nous redire, et nous redire encore l'histoire de Kouli (p.109). [...]
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