Écrivain engagé, engagement chez un écrivain, Anna Akhmatova, Nazim Hikmet, Sartre, interaction des textes, prise de parti
De l'œuvre de Anna Akhmatova, élaborée de 1917 à 1966, dont Requiem et Poème sans Héros, à celle de Nazim Hikmet - qui lui est contemporain - Paysages Humains, créée pendant la période de la Seconde Guerre mondiale, en passant par l'œuvre Pourquoi Benerdji s'est-il suicidé ? écrit entre 1930 et 1932, le voyage au cœur du combat politique est omniprésent. En quoi ces trois œuvres conceptualisent-elles l'engagement comme un écho à la définition de Sartre ? De la prédisposition qui conditionne le processus d'engagement, à l'originalité réfléchie de sa manifestation, jusqu'au rôle proéminent de médiation qu'elle tient, toute l'œuvre des écrivains sera prise en compte, car l'étonnante interaction des textes, ainsi que leur complémentarité, dresse un portrait au plus complet de la prise de parti, et donne à voir ses multiples facettes.
[...] Depuis des jours, ses amis, quand ils l'aperçoivent Détournent la tête. Benerdji est dans son lit, Calcutta est debout. Le narrateur s'identifie pleinement à cette plainte : Les camarades sont là-dedans. Benerdji est toujours dehors. La souffrance qu'endure mon enfant, je ne la souhaite même pas à un fasciste italien à chemise noire. On devine qu'il restera toujours marqué par l'abandon de la part d'amis proches : Benerdji, les années ont passé. La trace de la pierre que je t'ai jetée ne s'est pas effacée. [...]
[...] On l'a vu, les hommes calculent le nombre d'années qu'il leur reste. C'est parce les témoins d'une telle barbarie peuvent disparaître d'un moment à l'autre qu'il appartient à l'écrivain de précipiter ce devoir de mémoire, pour ne pas oublier. Dans cette vie, nous sommes tous en visite ; Vivre, c'est tout juste une habitude. (Nous étions quatre) Anna Akhmatova ne voit dans la mort qu'une seule crainte : celle d'emporter les secrets d'une génération brisée avec elle. Elle ne veut pas voir ses souvenirs si présents, si vivants en elle, retomber dans le silence de l'oubli : C'est que j'ai peur, dans la mort bienheureuse D'oublier quel bruit faisaient les fourgons noirs, D'oublier la porte qu'on claquait affreusement, Et la vieille qui hurlait comme une bête blessée. [...]
[...] C'est aussi la forme de l'engagement le plus spontané. Mais que puis-je faire d'autre, Nâzim, Comment m'en sortir ? Prendre une belle pose Et se tuer, C'est bien beau, en vérité Benerdji, héros de l'œuvre, demande la permission à son créateur d'exterminer son travail d'écriture. J'ai placé le chargeur. La balle Est dans le canon. Mon cœur Est au-delà des frontières A présent pour toi Mon dernier regard Ma dernière parole Mon dernier appel : S.O.S. ! L'œuvre crie à l'aide, elle veut survivre, car elle sait qu'elle influencera l'histoire, qu'elle survivra à son créateur. [...]
[...] Ils ont, au contraire, entièrement conscience des risques, ce qui confère à leur engagement une majesté particulière. On a dit d'eux bien des choses, Et pour eux on a dit Qu'ils n'avaient rien à perdre, Rien que leurs chaînes (Eux, P.H.) Ce que l'on pensait indicible par la cause d'une brutalité farouche est finalement mis au monde par des créateurs soucieux de la cohérence de leur monstre Une grossesse du texte néanmoins nécessaire pour prendre du recul, pour donner à des événements individuels une portée universelle. [...]
[...] Le dernier affront entre l'instantanéité de l'acte irréfléchi et l'argumenté de l'œuvre créée ou de l'engagement éclairé se trouve être l'hésitation entre le suicide comme réponse à l'injustice ou la survivance à travers l'œuvre. C'était le temps où le seul à sourire Était le mort, heureux d'être en repos. (Requiem) Roy Dranat dors en paix, tous tes problèmes sont réglés. (Benerdji) La mort semble est la solution la plus rapide, la plus efficace, la plus facile la plus radicale à la souffrance des victimes de la guerre. [...]
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