En essayant de se plier à ce régime draconien, l'écrivain passe par une phase de déconstruction de son corps. Le concept de faim s'articule en outre sur la sensation d'incompatibilité entre le corps et l'esprit qui domine durant une grande partie de la vie de celui-ci. Nothomb a choisi de symboliser cette lutte soutenue entre le physique et le mental par ce que l'on pourrait nommer « le meurtre de la faim » : l'ambivalence qui caractérise l'être humain joue sur l'oscillation entre la vie et la mort (cette dernière étant un sujet de fascination). Cependant, pour éviter de se laisser aspirer par celle-ci, l'écrivain se doit d'entamer un processus de reconstruction, qui sera, certes lent et douloureux mais qui lui permettra de se servir du langage afin de compléter ce vide qui le torture et de pouvoir ainsi se recomposer un corps de « mots ». La faim, entre dualité et unité, n'est-elle pas d'ailleurs porteuse de toute une symbolique du désir qui semble être à l'origine de l'œuvre ?
[...] Le chapitre 38 qui narre la vie de la famille Nothomb au Bangladesh, marque une rupture au cœur même de la faim de la fillette. Le visage de celle-ci qui s'était révélé au cours du passage que l'on vient d'analyser, va progressivement se transformer et s'isoler (ce sera alors la faim des mots). On observe donc une évolution de la faim entre les premières pages et la page 170 du livre. On peut ainsi affirmer que la faim se montre sous deux visages totalement différents, radicalement opposés. [...]
[...] L'antagonisme qui se dégage de cette lutte entre le corps et l'esprit prend progressivement la forme d'un ennemi intérieur qu'il faut éliminer. Celui- ci apparaît dès qu'elle atteint l'âge fatidique de douze ans et va se développer en elle avec une rapidité effrayante. L'enfance dissimule un rêve d'androgynie : cette volonté d'être ni fille ni garçon révèle probablement ce désir de n'être rien, de s'effacer. Ce temps de l'innocence qui occupe une place majeure dans l'œuvre de Nothomb se construit entre l'imaginaire et la réalité. [...]
[...] Il est alors intéressant de remarquer la façon dont la puberté et donc le changement corporel provoquent également une scission au niveau de la pensée. L'esprit évolue avec le corps et le fait de se retrouver prisonnier et dépendant de celui-ci annonce un point de non-retour. C'est donc à l'âge de douze ans, que la fillette entame le processus d'autodestruction (aussi bien dans Biographie de la faim, page 186 que dans Robert des noms propres, page 83). Se détacher de cette pesanteur du besoin corporel devient une urgence. [...]
[...] En effet, ces deux écrivains à priori très différents l'un de l'autre ont pourtant un point commun : la faim. Les nourritures terrestres[79], œuvre de jeunesse est avant tout un hymne panthéiste où le désir et la nature sont célébrés. Biographie de la faim se rapproche quelque peu de ces caractéristiques et même s'il est impossible d'établir une quelconque comparaison entre ces deux œuvres, on ne peut s'empêcher de remarquer que les voyages, la beauté et surtout le désir, suscitent de longues réflexions. [...]
[...] cit., page 57 [190] Biographie de la faim, Op. cit., page 179 [191] Ibid, page 178-179 [192] Ibid, page 216 [193] Ibid, page 233 [194] Ibid, page 230 [195] Ibid, page 234 [196] Ibid, page 18 [197] Ibid, page 23 [198] Ibid, page 109 [199] La faim, Op.cit., page 191 [200] Biographie de la faim, Op. cit., page 211 [201] Ibid, page 22 [202] Ibid, page 20 [203] Ibid, page 22 [204] Ibid, page 25 [205] Ibid, page 38 [206] Ibid, page 60-61 [207] Ibid, page 60 [208] Antéchrista, Paris, Op. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture