Lorsqu'en 1835, à l'âge de trente-trois ans, il met en chantier son drame, Alexandre Dumas (1802-1870) n'est encore qu'un jeune écrivain romantique, plus connu pour son talent de dramaturge que pour ses qualités de romancier. Il commence en effet sa brillante carrière littéraire dans les années 1820, en écrivant des pièces de théâtre, mais s'essaye aussi dans divers genres tels que le roman, le récit de voyage ou l'autobiographie. C'est en 1829 qu'il sort véritablement de l'anonymat, grâce à l'écriture d'un drame historique : Henri III et sa cour. En 1835, alors qu'il s'apprête à voyager en Méditerranée aux côtés de sa nouvelle égérie et future femme, Ida Ferrier, Dumas a l'idée d'écrire une pièce sur le séducteur mythique. Lui-même, qui a acquis une grande notoriété, passe pour être un don Juan auprès des femmes. Ce choix peut notamment être attribué au goût des romantiques pour le Moyen Âge (les romans gothiques de W. Scott étaient particulièrement en vogue à l'époque), mais aussi pour les personnages passionnés et violents. Ce qui est sûr, c'est qu'il a lu le texte de Prosper Mérimée, Les âmes du purgatoire, publié un an plus tôt, et d'emblée, a été séduit par cette nouvelle qui, prenant le contre-pied de la légende de don Juan Tenorio, montre don Juan de Maraña sous les traits d'un homme touché par la grâce, et non d'un abuseur impénitent. Il se met aussitôt à l'ouvrage, en quelques heures le projet est réalisé. Il ne reste plus à l'auteur qu'à écrire le texte, et notamment les parties versifiées de la pièce, mais cette tâche semble vite expédiée : en Juin 1835 il note dans son journal que sa pièce a été achevée le 12 Juin, et envoyée le 14 au soir à Paris. Celui-ci se dit mécontent, mais la pièce, représentée pour la première fois le 30 Avril 1836 au théâtre de la Porte Saint-Martin, connaît un certain succès. Cependant, les critiques littéraires se montrent plutôt réticents, ils reprochent à Dumas son manque d'originalité.
Nous tenterons au cours de l'étude de répondre à la question suivante, qui fera l'objet de notre problématique : quels sont les apports du romantisme dans le mythe ? Et plus particulièrement dans les pièces de Zorrilla et Dumas. En effet, les auteurs ont su capter les principales caractéristiques du mythe, tout en illustrant parfaitement le drame romantique. Mais surtout, ils sont parvenus à modifier intelligemment le mythe pour l'adapter aux exigences de l'époque. Nous verrons donc tout au long de l'étude ces différents apports, qui vont de la structure même de l'œuvre à la personnalité intime des séducteurs.
[...] Paquita fait ainsi l'éloge de don Juan auprès de Térésina, devenant ainsi la complice du séducteur. Puis il fait apporter une cassette de bijoux, Paquita joue la tentatrice et Térésina ne parvient pas à résister, elle en essaye quelques uns. Ils produisent sur elle comme un éblouissement, un malaise, elle appelle don Juan qui parvient à l'embrasser malgré ses supplications. Don Josès arrive au moment où s'enfuit don Juan, Térésina se jette dans ses bras et lui raconte tout : celui-ci devine qu'il s'agit de son frère et ordonne d'épouser Térésina dans la demi-heure qui suit. [...]
[...] ZORRILLA, I page 98. Cuantos dias empleis/en cada mujer que amais ? Partid los dias del año/entre las que ahi encontrais/Uno para enamoralas/otro para conseguirlas/dos para sustituirlas/ y una hora para olvidarlas pages 99-100. DUMAS, IV, cinquième tableau page 769. DUMAS, IV, cinquième tableau page 773. DUMAS, II page 739. DUMAS, II page 734. La scène du sofa ou du divan est la troisième scène de l'acte quatre. [...]
[...] L'auberge de Buttarelli et la posada de Gomès fonctionnent comme un théâtre dans le théâtre. C. Séris le fait judicieusement remarquer dans son Dictionnaire de don Juan[32], puisque don Juan représente l'acteur et le public est symbolisé par le chœur, en témoigne cette didascalie : plusieurs personnages entrent et se répartissent en silence sur la scène[33] Il en va de même chez Dumas, puisque Gomès et les trois gentilshommes assistent également à l'affrontement entre don Juan et don Sandoval, comme en attente d'une représentation théâtrale ; Buttarelli annonce chez Zorrilla : Vous pourrez être témoins du souper que je leur servirai ( ) Oh ! [...]
[...] Leurs arrivées sur scène sont l'élément déclencheur de la rédemption finale des héros. Alors que doña Inès annonce que Dieu pardonne à don Juan le séducteur ayant fait part de ses remords auprès de la statue du Commandeur, sœur Marthe obtient elle les paroles salutaires de la bouche de don Juan de Maraña : Pardonnez-moi mon Dieu ! Je me repens La répartition des dialogues souligne également la supériorité de la femme : l'avant dernière scène chez Zorrilla ne contient que deux exclamations de don Juan, qui ne suggèrent d'ailleurs que l'inclination du héros devant sa maîtresse : Doña Inès ! [...]
[...] Dans l'œuvre de Zorrilla le découpage spatio-temporel est beaucoup plus simple. L'action dramatique, découpée en deux parties, se situe à Séville, sous le règne finissant de Charles Quint. La première partie comme la seconde se déroulent en une seule nuit. Entre les deux parties cinq ans se sont écoulés. En revanche, le spectateur, qui n'a pas droit aux didascalies, ne bénéficie pas d'autant d'indications. Il sait que l'action a bien lieu à Séville : tous les deux c'est sûr à présent sont bien de retour en Espagne, et voilà Séville déjà à feu et à sang et que l'unité de temps est respectée dans chacune des deux parties. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture