Bestiaire d'Amour, Response du Bestiaire, Richard de Fournival, XIIIe siècle, discours, animaux, aspect scientifique, prologue, itinéraire amoureux, parole féminine, féminisme, Christine de Pizan, codes moraux, féminité
Ce mémoire de littérature porte sur le corpus composé des textes suivants de Richard de Fournival :
- Bestiaire d'Amour
- et Response du Bestiaire : , édition Champion Classique, traduction de Gabriel Bianciotto.
Il s'agit d'un travail de recherche qui contient quelques remarques afin de l'améliorer. En voici un extrait :
Si La Response du Bestiaire ne peut évidemment pas être envisagée sans Le Bestiaire d'Amour de Richard de Fournival, force est de constater que ce texte, par sa force et son originalité, est une oeuvre à part entière, autonome et puissante. Richard de Fournival était un lettré du XIIIe siècle, qui avait en sa possession 162 manuscrits, rédigés par ses soins, ce qui témoigne de son érudition, mais également de son vif intérêt pour la littérature et son désir de la conserver et de la transmettre. Le Bestiaire d'Amour est un discours à la première personne dans lequel son auteur énumère les moyens par lesquels on parvient à atteindre le coeur d'une dame convoitée. Dans le Bestiaire d'Amour, Richard de Fournival énumère de nombreux animaux, ainsi que le veut l'usage de ce genre littéraire, mais, si l'aspect scientifique habituellement attendu d'un bestiaire est peu présent, c'est qu'il fait le choix de faire de son texte un chant courtois teinté de désespoir adressé à une dame. D'un point de vue de sa structure, le texte s'ouvre sur un prologue auquel succède un défilé de 57 exemples animaliers qui constitue un « long itinéraire amoureux » , selon la formule de Gabriel Bianciotto. L'exemple du vautour vient clôturer le bestiaire, qui s'achève sur une phrase de conclusion dans laquelle l'auteur reconnaît la vanité de ses mots et implore le merci de la dame.
[...] Il ne s'agit pas uniquement d'une « response » au Bestiaire de Richard de Fournival, mais également d'un avertissement adressé à l'ensemble d'une communauté vulnérable et opprimée. Si de nombreuses questions restent en suspens concernant ce texte mystérieux, force est de constater qu'il fait preuve d'une grande modernité, de par le message transmis et la véhémence de sa forme. Qu'il s'agisse d'une femme ou non, l'auteur·ice se risque à affirmer un point de vue audacieux, polémique et éminemment féministe avant l'heure, et avant Christine de Pizan elle-même. [...]
[...] Nous nous demanderons dans quelle mesure la Response du Bestiaire est un texte éminemment polémique, qui dès le XIIIe siècle, pose les bases d'un pré-féminisme. La Response du Bestiaire est problématique à plusieurs niveaux, elle est comme entourée de plusieurs zones de flou, comme c'est le cas pour de nombreuses oeuvres littéraires médiévales. Tout d'abord, l'année de sa parution n'est pas attestée de façon certaine. Plus encore, l'ouvrage est anonyme, ce qui pose la question du genre de l'auteur·ice. Est-ce vraiment une dame ? [...]
[...] Partie 2 Ce que nous disent les animaux sur les genres : symbolisme du bestiaire et binarité des comportements genrés * Le bestiaire n'a pas pour unique but de délivrer un enseignement scientifique sur les animaux. Il s'agit davantage de mettre en place une comparaison avec les comportements humains, dans le but d'évaluer la moralité de ces derniers. Dans notre texte, les comportements moraux évalués sont ceux de deux catégories de personnes : les hommes et les femmes. Le Bestiaire ainsi que la Response proposent tous deux une réfléxion sur ces deux genres, masculine et féminin, tout en érigeant des lois universelles sur les comportements qui les caractérisent. [...]
[...] Mais l'auteur·ice de la Response n'est pas dupe et retourne cet argument en sa faveur. La colombe est bien un animal prudent. En effet, elle voit les oiseaux de proie arriver en volant au-dessus de l'eau. Mais les vautours ne sont pas les médisants pour la narratrice ; les vautours sont les hommes qui essayent de séduire les femmes et de ruiner leur vertu : « et voit li coulons par le nature de l'yaue se aucuns li veut faire mal, meismes oisiaus de proie, soit faucons ou espreviers ». [...]
[...] Ainsi, la question de la portée de ce message doit être prise en considération, plutôt que de penser comme ont pu le dire certain·e·s critiques qu'il ne s'agissait que d'un exercice rhétorique. Nous reviendrons avec attention sur ce point. Avant de commencer toute étude de ce texte, il convient cependant de contextualiser les notions de « féminité » et de « condition féminine » à l'époque médiévale. Commençons par rappeler que le Moyen-Âge pense les corps selon la théorie des humeurs. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture