Antonin Artaud, langages poétiques, avant langue, théorie hénologique, théories expressives, théories désignatives, Husserl, poétologie artaldienne, langage des mots, cinéma, peinture, Van Gogh, poésie écrite, langage articulé, langage physique
Dans le cadre de ce travail sur le vouloir-dire et le discours intérieur, nous avons décidé de travailler sur Antonin Artaud. – Nous voudrions à cet effet interroger la conception artaldienne de l'expérience dans ses rapports à la langue et, plus largement, au langage ; ce faisant, nous voudrions tenter de le situer quant à certaines thèses cardinales des théories expressivistes, désignatives et phénoménologique (c'est-à-dire ici husserlienne) du langage.
[...] ] Le mot d'ordre des conceptions « expressivistes » du langage, comme les appelle Taylor, est en effet qu'il est impossible de penser sans langage [ . ] Cette thèse peut ainsi servir de soubassement à une remise en cause radicale [ . ] [d]es théories désignatives : à l'atomisme sémantique, elle permet d'opposer un holisme qui conçoit la langue comme une totalité impossible à décomposer en éléments ; à l'idée du langage comme médium ou instrument neutre de la pensée, elle objecte que nous ne maîtrisons pas seulement notre langue, mais que notre langue nous « maîtrise » aussi, qu'elle nous prescrit nos possibilités de pensée et donne forme à cette dernière ; à l'idée selon laquelle nous pourrions associer arbitrairement des signes à des idées présentes dans notre for intérieur en dehors de toute institution et de toute communauté, forger un idiome à notre usage exclusif, elle oppose le caractère intrinsèquement social du langage. [...]
[...] Sens, linguisticité, logique : points communs et différences notoires avec Husserl Claude Romano, en effet, a bien souligné qu'il y avait chez Husserl « l'idée d'une expérience `'muette encore'' qui recèlerait en elle `'son propre sens (ihr eigener et cela antérieurement à son articulation comme parole » ; ou l'idée d'un « niveau de `'significations muettes'', pour reprendre l'expression de Husserl, certes articulables linguistiquement, mais pas pour autant projetées sur le monde par le langage [ . ] ; d'un ordre pré-linguistique sur fond duquel se détachent toutes nos transactions langagières, un ordre déjà structuré et signifiant par lui-même, mais non pas conceptuellement articulé ». En somme, l'on pourrait soutenir qu'il y a chez Artaud, bien qu'elle ne soit pas thématisée comme telle, les linéaments de la distinction husserlienne entre Bedeutung linguistique et Sinn au sens large. En outre, comme le fait encore remarquer C. [...]
[...] À travers un tel usage du corps et du spécifiquement théâtral, « se dégage le sens d'un nouveau langage physique à base de signes et non plus de mots », et « ces signes spirituels ont un sens précis, qui ne nous frappe plus qu'intuitivement, mais avec assez de violence pour rendre inutile toute traduction dans un langage logique et discursif ». - Il faut encore souligner que ce langage physique, corporel, théâtral, « s'adresse d'abord aux sens au lieu de s'adresser d'abord à l'esprit comme le langage de la parole », agit d'abord sur « les nerfs, c'est-à-dire [sur] une certaine sensibilité physiologique » ; par suite, cela signifie que ce langage « matériel » s'adresse aussi à l'esprit, même s'il ne s'y adresse ni uniquement ni en premier lieu. [...]
[...] Plus spécifiquement, l'avant-langue artaldienne, désignée par l'étrange expression de « Parole d'avant les mots », est un état d'avant les mots. Afin que soient éclairées négativement les spécificités de l'acception de l'avant-langue artaldienne, il peut être instructif de noter ce qu'elle n'est pas pour Artaud : il en est, en effet, pour qui l'avant-langue n'est au contraire qu'un avant-nos-langues, au sens où elle renvoie à un état intermédiaire entre nos langues « formées », selon l'expression rousseauiste, et l'absence même de mots. [...]
[...] ] leur donne une vie à part qui tend de plus en plus à devenir indépendante et à se détacher du sens ordinaire de ces objets ». Cependant, note Artaud, « depuis que la parole a été portée à l'écran il n'a plus jamais été question de poésie cinématographique » et « la simple apparition de la parole [ . ] situe » les images du film « définitivement dans la vie » quotidienne et ordinaire - qui est « au-dessous de la vie », ou du poétique telle que le conçoit Artaud. [...]
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