Après la course aux millions et aux plaisirs dépeinte dans La Curée, Emile Zola évoque dans Le Ventre de Paris le monde des Halles parisiennes. Florent, échappé du bagne, revient à Paris et retrouve son demi-frère Quenu qui tient, avec sa femme Lisa, une riche charcuterie au coeur des Halles. Par chance, il trouve un poste d'inspecteur à la marée, ce qui le propulse au milieu même de la vie des maraîchères, sans cesse à l'affût des derniers commérages qui circulent dans le quartier.
Notre passage se situe au moment où la rivalité entre Lisa et la poissonnière se trouve particulièrement intense. Ce texte a un double intérêt. Tout d'abord, le lieu agit sur les personnages. Le monde des Halles est basé sur le commerce, et c'est pour cela qu'existent certaines rivalités entre les maraîchères : c'est le cas de Lisa et de la belle Normande. Par ailleurs, les personnages constituent eux-mêmes le lieu. Ici, Zola nous montre que chaque société a ses codes ; tout nouvel arrivant doit correspondre aux critères définis par cette population, ce qui bien évidemment n'est pas le cas de Florent (...)
[...] On remarque dès le début du passage que la poissonnière criait. De par son statut, cela renvoie évidemment à la criée des poissonniers. Mais ici, ce n'est pas pour vendre du poisson qu'elle hausse la voix, c'est pour injurier sa rivale. La poissonnière criait que la grosse avait peur, qu'elle se cachait. Les mots sont révélateurs de l'état d'âme du personnage. La belle Normande dit ce qu'elle aimerait que Lisa soit. Lisa ne répond pas à ce genre d'insulte mais elle réussit tout de même à faire parler. [...]
[...] Cette comparaison avec l'eau que l'on ne peut plus dompter, montre la force inestimable de la parole. C'est le mystère de ce personnage qui fait parler. Les Halles contiennent un code et toute personne étrangère et différente fait l'objet de discrimination. A la fin de ce passage, Florent, comme Lisa, fait l'objet d'insultes. Ce sont les mots qui écartent Florent du monde des Halles. Ce passage est essentiel, car il introduit l'arrivée de Mademoiselle Saget, déterminée à savoir la vérité sur Florent. Ce texte est annonciateur de l'excipit : Florent, démasqué, retournera au bagne. [...]
[...] Elle regardait tranquillement, de son comptoir, en tricotant. Cette évocation est bien sûr à mettre en opposition avec les descriptions tumultueuses du marché. Ici, de nombreux éléments immobiles sont présents : les arbres qui font écho aux colonnes Morris. L'immobilité se traduit également dans ce passage par une horizontalité le long des bancs au deux bouts du trottoir les voitures passaient D'autre part, les activités des commerçants sont mises en rapport direct avec les activités culturelles de la ville. Les affiches colorées ainsi que l'habit d'Arlequin nous renvoient à la mascarade des gens des Halles. [...]
[...] Son déboussolement se voit à travers l'énumération des vêtements les jupes, dans les corsages plein à crever L'excès est présent tout au long de cette description énormes, prodigieuses, pleins Cette effervescence s'accompagne de l'image du rouleau compresseur, grâce au verbe rouler Les Gras écrasent les Maigres. Dans cette œuvre, les marchands associés aux Halles sont des ventripotents. Ces Gras renvoient aux valeurs gloutonnes de l'empire, aux excès de napoléon III. En conclusion, les Halles sont véritablement un champ de bataille entre Lisa Macquart et la belle Normande. [...]
[...] Le verbe surveiller renvoie effectivement à un animal devant sa proie. De même, la phrase Elle feignait de se pencher, de suivre, jusqu'à la station de la pointe Sainte-Eustache, l'omnibus allant de la Bastille à la place Wagram révèle une fois encore la poissonnière sous l'apparence d'un animal chasseur, scrutant sa proie. Le triomphe semble être dans les mains de Lisa. Zola prend parti dans le récit. Il décrit la charcutière comme une femme pacifiste, qui n'est pas à l'origine de l'affrontement. [...]
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