"Histoire orientale" de François Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), ou Zadig ou la destinée fut publié en 1747. Zadig s'appela d'abord Memnon, et ne comportait que quinze chapitres. Selon Longchamp, secrétaire de Voltaire, ce conte aurait été composé chez la Duchesse du Maine à Sceaux où le philosophe s'était réfugié à la suite d'un incident au Jeu de la Reine à l'automne 1747. Longchamp a sans doute confondu ce séjour à Sceaux avec celui de l'année précédente. Mais il n'a aucune raison de se tromper lorsqu'il raconte que Voltaire lisait à la Duchesse des chapitres de ses contes, en particulier de Zadig. Encouragé par les applaudissements, Voltaire décide de le publier en limitant l'impression à mille exemplaires (...)
[...] Il fait brocher les deux parties ensemble, qui paraissent en septembre 1748. Il révise le texte en 1752 et en 1756. Nous sommes ici au Chapitre VI, dans ce que l'on peut appeler la première partie du conte, où le héros éponyme se trouve encore à Babylone malgré les déconvenues dont il a pu y être le jouet. Dans le Chapitre VI, Zadig est nommé premier ministre et peut mettre en place une politique éclairée. Il s'agira de voir quelle valeur politique et polémique ce chapitre peut avoir dans le conte philosophique. [...]
[...] On notera également que le principe de la clémence du gouvernant est inscrit dans la théorie de la monarchie de droit divin, où le monarque a droit de grâce (le président français actuel l'a encore) L'écoute des sujets constitue un des autres éléments fondamentaux permettant de définir l'image du bon gouvernant dans cet extrait de Zadig ou la destinée. L'exemplum devient ainsi, dans un double discours, réquisitoire adressé à la monarchie qui ne s'est jamais soucié d'écouter le peuple. Comme Saint-Louis (image du roi justicier), Zadig intervient directement dans les problèmes quotidiens de ses sujets, et se rapproche ainsi d'eux. Une critique de la monarchie absolue une préfiguration de l'Etat de droit : on entend par Etat de droit un État dans lequel le droit est écrit. [...]
[...] On a ici une curieuse façon d'envisager la politique. Les femmes ne sont de toute façon généralement pas une source de discours rationnels chez Voltaire. On pressent en outre la fragilité de la situation politique de Zadig, qui n'est pas tant reconnu pour ses qualités politiques, mais plutôt pour sa beauté et sa jeunesse. Ironie du sort, ce seront justement sa jeunesse et sa beauté qui le feront déchoir, car il va très vite s'éprendre de la reine Astarté, et celle-ci le lui rendra. [...]
[...] Il choisit Zadig pour remplir cette place. Deux courtes phrases s'enchaînent, sans réelle notifications sur les circonstances de cette nomination, comme si celle-ci était naturelle. Il est dans la suite logique du récit de placer Vizir à ce poste : c'est ici qu'il va réellement pouvoir proposer une illustration de sa philosophie, et en le plaçant à ce poste, Voltaire s'autorise une ouverture philosophique dans le conte. Un homme consensuel : Zadig apparaît comme la résolution des conflits. Il est d'abord acclamé par les dames de Babylone car depuis la fondation de l'empire il n'y avait eu de ministre aussi jeune Seuls les courtisans le rejettent et le jalousent, mais ce sont le propre des courtisans ; c'est leur fonction même dans le schéma actantiel. [...]
[...] C'est Zadig qui est détenteur de cette morale. Il délivre une parle de vérité, de sagesse, et peut ainsi être lu comme un relais de Voltaire dans le récit, et notamment du Voltaire du Traité sur la tolérance. En concentrant la morale sur le personnage éponyme, Voltaire s'éloigne délibérément de la fable, car Zadig ne se présente pas comme un personnage détenteur d'une vérité morale à diffuser, mais, tel Saint- Louis sous son chêne, rend la justice dans la narration même. [...]
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