Voltaire, "Le Mondain", Extrait : commentaire linéaire

Résumé du document

Sous une forme volontairement provocante Le Mondain reflète une conception de la vie et de la civilisation au XVIIIème siècle. Dans le poème, Voltaire sous le nom couvert du mondain prend la parole pour chanter le luxe, les plaisirs, le bien-être terrestres avec une certaine désinvolture destinée à scandaliser les moralistes, les doctes de son époque.

Voltaire oppose ainsi les jouissances terrestres comme le seul bonheur positif de l'homme à l'idée religieuse qui ne voit son bonheur que dans l'austérité et le sacrifice. Avec ironie et provocation, Voltaire dresse le portrait de son époque (l'Age de fer) avec l'individu, l'homme qui lui correspond (au XVIème c'était l'humaniste, au XVIIème c'était l'honnête homme) (...)

Extraits

[...] Et Voltaire croit fermement en l'idée que le présent est source de satisfaction. L'antiphrase du vers 13 met en évidence sa désinvolture contre tous les jugements possibles sur ses idées et sa personne. Il a conscience de choquer par l'audace de ses idées, de se rendre même haïssable pour ses impertinences mais surtout pour la hardiesse de son impiété affichée. A partir du vers 15 on retrouve l'anaphore de la conjonction et six fois et 19) ainsi que des énumérations renforcées par des pluriels qui saturent l'espace poétique et rendent cette impression d'abondance et d'explosion des activités humaines source féconde v.16, besoins, plaisirs nouveaux v.17, or de la terre, trésors de l'onde v.18, habitants, peuple v.19, luxe, plaisirs v.20. [...]

[...] Il se dessine trois mouvements dans ce poème : 1. Le premier, du vers 1 au vers que nous pourrions intituler la critique de l'âge d'or puisque Voltaire s'amuse à dénigrer, dévaloriser les images typiques de l'âge d'or Le second mouvement, vers 5 à 29, s'inscrit quant à lui en contrepoint du premier : Voltaire y fait l'éloge de l'âge de fer en mettant en avant les plaisirs de la vie Le troisième (vers 30 à la fin) est un mouvement qui attaque clairement les doctes dans le but de convaincre le lecteur que la vie terrestre vaut peut-être bien mieux qu'une vie toute consacrée à Dieu. [...]

[...] Voltaire associe ensuite le goût du luxe et des plaisirs à une notion morale honnêteté v.12, terme qui se retrouve figé dans une phrase qui se veut d'ordre général. Voltaire généralise cette idée avec le déterminant tout et présente une humanité exemplaire, qui ne ment pas. Par là, il semble qu'il recherche la complicité du lecteur honnête qui avoue apprécier les plaisirs terrestres de son siècle. L'épicurisme de Voltaire est très net : le luxe et le plaisir favorisent selon lui les arts et heureux travaux »v.15. [...]

[...] Cet engouement, Voltaire veut le partager avec ses lecteurs qu'il avait déjà inclus dans son propos au vers 16 nous (personne 4 qui inclus les destinataires), et qu'on retrouve dans la question oratoire (de rhétorique) vers 24 voyez-vous où le lecteur devient complice de Voltaire dans une interrogation où il n'y a finalement plus qu'à acquiescer. Dans ce mouvement, Voltaire fait l'éloge de la civilisation et des progrès mêlé d'un hymne aux plaisirs et au luxe. C'est donc dans un esprit épicurien et matérialiste que Voltaire s'inscrit sans doute en réaction contre l'ascétisme janséniste relativement puissant aux XVII et XVIIIème siècle. Mouvement 3 : L'attaque des doctes L'expression or maintenant indique que nous entrons dans le mouvement conclusif. Et ce mouvement vient attaquer les doctes mais surtout l'un d'entre eux. [...]

[...] L'or de la terre et les trésors de l'onde, Leurs habitants et les peuples de l'air Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde. O le bon temps que ce siècle de fer! Le superflu, chose très nécessaire, A réuni l'un et l'autre hémisphère. Voyez-vous pas ces agiles vaisseaux 25 Qui, du Texel, de Londres, de Bordeaux, S'en vont chercher, par un heureux échange, De nouveaux biens, nés aux sources du Gange, Tandis qu'au loin, vainqueurs des musulmans, Nos vins de France enivrent les sultans? [...]