Voltaire, "Candide", Chapitre 6 : l'autodafé - publié le 22/07/2009

Résumé du document

L'épisode du tremblement de terre de Lisbonne, raconté au chapitre 5 de Candide, doit beaucoup à la réalité : Lisbonne subit deux tremblements de terre successifs, le 1er novembre (25 000 morts ?) et le 21 décembre 1755 (78 morts). L'importance du désastre de Lisbonne et la place qu'il a occupé dans les débats intellectuels et religieux du temps ne doivent pas être négligées. Cet événement inspira à Voltaire le Poème sur le désastre de Lisbonne ou examen de cet axiome : "Tout est bien" (1756). Candide est ensuite publié en 1759.

Pour Voltaire, cette catastrophe conduit les hommes à s'interroger sur le sens de la destinée humaine, sur les incertitudes de l'avenir, sur les risques naturels, mais avant tout sur la souffrance incompréhensible : le scandale du mal rend ainsi évidente l'imposture des philosophies consolantes (...)

Extraits

[...] I Du point de vue de Voltaire, la phrase est ironique. Il faut comprendre de manière antiphrastique les expressions les sages du pays moyen ( ) efficace et bel auto-da-fé (oxymore, à l'instar de la boucherie héroïque de la guerre au chapitre puisque l'auteur va montrer ensuite l'absurdité du raisonnement des inquisiteurs et la totale inefficacité du sacrifice. Par l'antiphrase ironique les sages du pays Voltaire suggère donc l'idée que vouloir établir un lien de causalité entre une cérémonie religieuse et une secousse sismique est une bouffonnerie contraire à l'idée que nous nous faisons de la sagesse. [...]

[...] La présence du champ lexical de la musique une belle musique en faux-bourdon à la ligne 22, en cadence à la ligne 23, on chantait à la ligne 23) rend compte, quant à lui, du caractère auditif et agréable de ce spectacle. La cérémonie de l'autodafé prend donc aux yeux de Candide un caractère festif. Ainsi, ce récit particulièrement vif témoigne du point de vue émerveillé de Candide sur la cérémonie de l'autodafé. Cependant, Voltaire ne reprend pas à son compte ce regard admiratif et porte sur ces événements un regard ironique. [...]

[...] champ lexical de la fête : procession belle musique et dans la phrase suivante en cadence pendant qu'on chantait : le sacrifice prend l'allure d'un spectacle, dont la dimension esthétique est marquée par l'adjectif mélioratif belle I sermon très pathétique : avec l'adverbe intensif très Voltaire suggère le fait que ce spectacle flatte les sentiments et ne vise nullement la raison des spectateurs. Le groupe nominal un sermon très pathétique et, qui plus est, l'adjectif faux contredisent l'image positive suggérée de prime abord par l'expression belle musique I/II 6 Candide fut fessé en cadence, pendant qu'on chantait ; le Biscayen et les deux hommes qui n'avaient point voulu manger de lard furent brûlés, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume. fut fessé : recours au burlesque (registre littéraire qui emploie des termes bas pour traiter de sujets sérieux). [...]

[...] III en conséquence : apparence d'une action délibérée et réfléchie (point de vue de l'Inquisition), mais expression ironique (point de vue de Voltaire) qui met en évidence un faux rapport logique, car il n'existe aucun lien de cause à conséquence entre un tremblement de terre et l'arrestation d'un Biscayen : Voltaire exhibe ici le renversement du lien de cause à effet ; au lieu de procéder à un autodafé parce qu'on a des coupables, il faut des victimes puisqu'on a décidé de donner un autodafé. Voltaire démonte ainsi la logique des pouvoirs absolus qui, pour conforter leur autorité, imposent des raisonnements trompeurs et absurdes. [...]

[...] Enfin, l'ensemble de la cérémonie est présenté comme un spectacle. Le mot spectacle apparaît d'ailleurs à la ligne 5. Les expressions grande cérémonie (ligne et en procession (ligne 21) appartiennent à ce même champ lexical. De la même manière, la récurrence de l'adjectif bel, belle souligne le fait que l'autodafé est un événement qui procure un plaisir esthétique, à la manière d'un véritable spectacle : on trouve l'adjectif bel, belle dans le titre, à la ligne 4 et à la ligne 22. [...]