Antigone et Hémon, Tristan et Yseult, Roméo et Juliette, Manon Lescaut et le Chevalier des Grieux... Des hommes, des femmes, des couples de papier nés de l'imagination et de la plume de leurs auteurs qui leur feront vivre un amour pur, passionné, intense et pourtant marqué systématiquement du sceau de la mort. La littérature donne à voir, depuis l'Antiquité, de nombreuses unions, des histoires d'amour poignantes et funestes qui bercent, touchent, bouleversent toujours autant le lecteur.
En 1947 (situation historique), avec L'Ecume des jours, Boris Vian rajoute à cette longue liste les noms de Colin et de Chloé, deux êtres qui se rencontrent, s'aiment et que la mort, encore elle, séparera. « Le plus poignant des romans d'amour contemporain » (citation qui permet de caractériser l'oeuvre) selon Queneau marquera son siècle de sa pureté, sa cruauté, sa légèreté, sa gravité et de sa fantaisie (...)
[...] La mort prochaine de Chloé est tragique dans le sens où elle est inéluctable et écrite (au sens propre et figuré): Il chercha sur la liste le nom suivant et vit que c'était le sien [ ] le lendemain, Chloé serait morte Le héros a beau lutter, travailler, souffrir, rien ne semble arrêter la machine infernale pour reprendre l'expression de Cocteau. - La mort de son épouse est loin de sonner le glas d'une quelconque délivrance. Les violences se poursuivent. [...]
[...] L'agonie puis la disparition de Chloé sont autant d'épreuves pour Colin qui lutte contre un monde hostile et cruel dans le seul but d'aimer et d'honorer celle qu'il aime. La Lutte de Colin Un monde hostile et cruel - Ces trois chapitres mettent l'accent sur la lutte de Colin qui se bat dans et contre un monde qui lui est de toute évidence hostile. Cette cruauté et cette violence sont d'autant plus dures qu'elles sont impersonnelles : On lui lançait on le mettait à la porte on le chassait - Ce qui choque le lecteur c'est bien évidemment cette brutalité, cette maltraitance physique dont il est l'objet : il est très mal reçu on lui lanc[e] à la tête des objets lourds et blessants on le met à la porte les gens le maltrait{ent] et il finit par recevoir un lourd morceau de bois L'auteur insiste cruellement sur la violence dont il est l'objet d'autant qu'elle est quotidienne : tous les jours sans cesse L'horreur est à son comble : Chloé se meurt, Colin tente de la soigner mais se heurte à un monde hostile, brutal, dur. [...]
[...] On relèvera ainsi de nombreuses expressions choquantes : on devrait s'arranger pour mourir avec de quoi se faire enterrer décemment j'ai aussi plus cher - Le marchandage qui a lieu durant tout l'entretien accentue encore davantage le mépris et l'obsession du religieux qui parvient à faire monter le prix de la cérémonie de vingt doublezons (on est loin des espérés) à cent cinquante. Il se montre froid, méprisant, intraitable, dur en affaires (sic) et l'utilisation du verbe vouloir le souligne : Je ne veux même pas envisager cette solution - Boris Vian se montre féroce dans le portrait qu'il peint du Religieux. Sa critique virulente touche la religion catholique et ses débordements cupides, mercantiles. [...]
[...] Il malmène et l'intégrité physique de Colin il le poussa brutalement Colin se heurta à une chaise le poussa, de nouveau et son ressenti ça ne me fait plus d'effet ce sera une cérémonie véritablement infecte - Boris Vian, ici, donne à voir au lecteur un monde particulièrement noir, véritable négatif des premiers chapitres de l'œuvre. Le monde de l'enfance, de l'innocence, de l'insouciance a disparu. Les changements physiques opérés soulignent ce passage. L'argent est au cœur des préoccupations puisqu'il en faut pour soigner Chloé, puisqu'il en faut pour enterrer Chloé. Les rires, les tendres caresses du début n'existent plus. [...]
[...] - La cruauté des chapitres est telle qu'elle laisse voir de façon encore plus marquée l'amour et la tendresse qui unissent les jeunes époux. La douceur de leurs gestes il lissa les cheveux sombres la retenue dont Colin fait preuve pour ne pas blesser Chloé il l'aimait beaucoup trop pour les forces qu'elle avait les épreuves qu'endurent le jeune homme pour rapport[er] un peu d'argent, ces fleurs sont autant de moments, d'instants, de passages qui rompent avec la cruauté ambiante et qui, paradoxalement aussi, l'accentuent. [...]
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