Peut-on traiter de sujets graves sur le mode plaisant ou humoristique ?

Résumé du document

Selon Rabelais, « le rire est le propre de l'homme ». Ainsi, seul l'homme, contrairement à l'animal, est capable de rire. Cependant, il nous invite, derrière les « joyeusetés », à déguster « la substantifique moëlle ». En effet, il faut approfondir le sens du récit, matière à réflexion. Pourtant, un sujet grave traité sur un mode humoristique ou plaisant, au travers d'une oeuvre de fiction ou par le comique, peut être très critiqué voire choquer. La preuve en est avec le pièces de Molière telles que Le Tartuffe ou Dom Juan, longtemps interdites à la représentation.

Alors, est-il efficace de traiter de sujets aux enjeux importants et parfois tristes par le biais du comique ou de la fiction ? Ou bien est-il préférable d'user d'un ton sérieux ? Pour répondre à cette question, nous verrons tout d'abord que le mode plaisant ou humoristique peut s'avérer approprié pour aborder certains sujets graves, puis qu'il présente toutefois certaines limites, et enfin que, pour palier ces limites, il convient parfois d'adopter un ton sérieux (...)

Extraits

[...] De plus, l'attrait et la simplicité des modes plaisants permettent de ne pas toucher que l'élite de la société mais son ensemble. Le message de l'écrivain est transmis sans que le lecteur ne s'en rende vraiment compte, en l'y faisant adhérer de manière douce et subtile. Comme le dit La Fontaine, Une morale nue apporte de l'ennui : Le conte fait passer le précepte avec lui Ainsi, Montesquieu a connu un grand succès dans toutes les classes de la population avec son roman épistolaire Les lettres persanes. [...]

[...] La meilleure preuve reste le courant naturaliste, notamment la fresque des Rougon-Macquart d'Emile Zola. Même si les œuvres qui la composent sont totalement fictives, elles ont pour vocation de se rapprocher le plus possible de la réalité et d'en dénoncer ses travers. Ainsi, dans l'Assommoir, le romancier brosse un portrait fidèle de la société de l'époque au travers du microcosme du quartier de La Goutte d'Or où chaque individu est, plus qu'un personnage, un caractère, une personnalité, un topos, avec par exemple Goujet le bon ouvrier ou Bec-Salé le sublime. [...]

[...] Cette forme plaisante et cet aspect propice à la rêverie et au divertissement sont notamment utiles pour conférer à des sujets tristes ou importants une certaine légèreté indispensable afin que les textes ne soient pas trop sombres. Ansi, Figaro affirme dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais me presse de rire de tout de peur d'être obligé d'en pleurer». Cela se traduit dans La Machine Infernale de Cocteau, réécriture du mythe d'Œdipe. Comme dans l'œuvre tragique de Sophocle, le texte a une visée cathartique. [...]

[...] Alors, la position de l'auteur serait-elle incarnée par Dom Luis, équilibrant les apparences sociales de la naissance et le mérite personnel qui répondrait aux vœux de l'auteur ? Ou bien Dom Carlos essayant de concilier vengeance familiale et aspiration individuelle à la reconnaissance ? Done Elvire ou le Pauvre, tous deux sincères et authentiques ? Le comique et la fiction peuvent également paraître inappropriés pour traiter de sujets graves dans la mesure où il y a un décalage entre le sens et la forme. Celui-ci peut parfois contribuer à décrédibiliser la thèse soutenue par l'auteur. [...]

[...] Il faut donc parfois s'emparer du ton sérieux, plus adapté pour certains écrits. Le ton sérieux a l'avantage de présenter les idées de l'auteur de manière explicite, directe, claire, implacable. On a donc pas de doute quant à la position de l'auteur, et la certitude que les idées seront transmises sans être déformées, mal comprises, atténuées ou exagérées. Ainsi dans L'Amour Propre extrait de l'œuvre Pensées, Blaise Pascal, de manière très structurée, commence par définir la notion abordée la nature de l'amour propre puis développe sa pensée qui s'intensifie par des phrases de plus en plus longues et des parallélismes, tout en restant explicite comme le montre la formule c'est à dire et enfin conclut grâce au connecteur logique donc . [...]