Pour agir, le tragique a toujours besoin d'une part de connaissance : il se met en place à partir d'une certaine prescience du destin des personnages. Cette prescience existe chez le spectateur ou le lecteur de tragédie, mais aussi, à un niveau plus ou moins conscient, chez les personnages eux-mêmes. Personnages qui d'ailleurs, loin d'être inconscients, font souvent preuve d'une extrême lucidité (...)
[...] Ainsi si elle se dit souvent coupable elle se justifie en partie par le fait que sa passion lui vient d'une haine de Venus (v.249). Ainsi la déesse est citée à de nombreuses reprises comme vengeresse et responsable des passions de Phèdre et d'Hippolyte (vs ; 249 ; 257 ; 277 ; 306 ; 814). Certes Phèdre aime Hippolyte, mais elle à tout fait pour échapper à sa vue : n'est-ce pas par [son] époux lui-même à Trézène amenée qu'elle a revu l'ennemi qu['elle] avai[t] éloigné (v.302-303) ? [...]
[...] Ici la parole se fait prémonition, parole tragique. La fatalité semble donc prendre tout son sens, le fatum au sens étymologique étant ce qui à été dit : ici ce qui est prononcé sera réalisé. La parole est hautement performative, et lorsque Thésée en appelle à Neptune, c'est comme s'il envoyait lui-même à son fils le monstre qui le tuera. Mais il semble que, si tout est dit dés le départ, les personnages sont incapables de lire correctement les signes et donc d'éviter la catastrophe. [...]
[...] / Thésée en expirant vient rompre les nœuds/ Qui faisaient tout le crime et l'horreur de vos feu. (v.350 à 353)/ De même Hippolyte va annoncer à Aricie sa liberté nouvelle et lui fera par la même occasion l'aveu de son amour, sur la seule certitude que [son] père ne vit plus (v.465). Or cette rumeur se révèle être fausse et Thésée revient bien en vie. Les apparences sont donc fortement trompeuses et ce qui semblait certain est en réalité faux, alors que ce qui est vrai n'est regardé que comme incertain : ainsi Ismène déclare sûre d'elle à Aricie v Thésée est mort, Madame, et vous seule en doutez Cependant Hippolyte déclare peut-être votre époux voit encore le jour (v.619), or ici, la réalité semble n'être qu'un espoir. [...]
[...] Or les personnages sont le reflet du monde qu'ils habitent : ainsi c'est le monde tragique qui, plus que tout est incertain : le trouble lui correspond, et il est impossible de savoir qui y est coupable, qu'est ce qui entraine le déroulement des choses, qu'est ce qui à a ou n'a pas d'impacte sur l'action. Il semble donc que le tragique ne peut s'épanouir que dans une atmosphère de doute et de questionnement, et que toute résolution l'anéantirait. Or si le but de la tragédie classique est la catharsis, et que cette dernière s'effectue par mimesis, alors ce monde tragique représenté sur scène renvoie le spectateur à son propre monde et à la place de l'homme dans ce monde. Ici on ne peut s'empêcher de se poser la question du libre- arbitre. [...]
[...] Il semble qu'il faille soit chercher à trouver sa voie dans un monde délaissé des dieux, et donc sans appui de leur part, et renoncer à un idéal, à un absolu qui parait faire l'objet de la quête des héros tragiques, soit renoncer à sa liberté et s'en remettre absolument à ces dieux tout puissants. La tragédie ne donne pas de réponse, et le héros tragique ne peut sortit indemne de ce dilemme auquel il refuse de répondre. Ainsi la seule issue offerte à Phèdre est la mort, et plus encore après qu'elle ait osé opprimer et noircir l'innocence (v. [...]
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