Commentaire composé de l'acte III, scène 8 (tirade de Silvia) de la pièce Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux. La tirade de Silvia est un véritable discours construit dans les règles de l'art. La richesse du personnage de Silvia tient essentiellement à son ambiguïté.
[...] On pourrait aller jusqu'à dire que dans cette tirade, Silvia déborde largement son rôle, et que ce qui est véritablement en jeu excède la satisfaction d'amour propre. Notons par exemple tout ce que l'on peut deviner de souffrance subie et non infligée cette fois, dans l'évocation de l'infidélité probable de Dorante : par trois fois cette hypothèse est formulée : Mille objets que vous allez trouver l'envie qu'on aura de vous rendre sensible les amusements d'un homme de votre condition Mais l'aveu amoureux et l'appel l'accompagnant se font, plus loin, plus explicites encore : l'adverbe impitoyablement à la ligne 7 est sans ambiguïté ; l'incise de la ligne comme j'en ai peur est lourde de signification ainsi que l'usage déjà mentionné du futur qui, pour désigner une situation à venir, n'en est pas moins un temps de l'indicatif. [...]
[...] Il lui faut pourtant se garder d'un tel oubli parce que la richesse du personnage de Slvia tient essentiellement à son ambiguïté ; qui dit ambiguïté ne dit pas paradoxe : en effet, c'est une des caractéristiques des êtres humains, et particulièrement dans le domaine des sentiments que de concilier dans leur comportement des attitudes apparemment contraires. En réalité, en matière de passion, Marivaux, héritier de Racine, est un orfèvre : il sait que si nous manoeuvrons et au besoin torturons ceux qui ont su nous toucher, c'est moins pour éprouver notre force que pour exorciser notre faiblesse. [...]
[...] Tactique et sincérité seront donc les deux axes de notre lecture. I. La tactique La tactique est manifeste : il est certain que la tirade de Silvia est un véritable discours construit dans les règles de l'art ; elle use d'abord les ressources de la logique, jusqu'à la ligne 8 où elle conclut vous aurez raison (de m'abandonner) ce qui constitue un véritable procès d'intention dont tous les articles sont habilement proposés à Dorante pour qu'il les réfute généreusement : manque de sérieux de son amour, obstacle social, tentations extérieures, légèreté des aristocrates. [...]
[...] Les amusements d'un homme de votre condition son autant de termes qui rabaissent habilement Dorante au niveau d'une catégorie au comportement archi prévisible. A ce type de piqûres, d'amour propre on peut encore ajouter un effet très subtil : ainsi, tandis qu'elle exploite la situation pathétique de la servante délaissée, Silvia manie d'abord le futur : Quel secours aurai- je L'impression qu'il m'aura faite et puis elle change subtilement de mode : Si je vous aimais, tout ce qu'il y a de plus grand dans le monde ne me toucherait plus ? [...]
[...] Qui voulez vous que mon cœur mettre à votre place ? Suit une conclusion en bonne et due forme qui est une demande fort habile car la modestie de l'appel Ayez la générosité de me cacher votre amour est bien plus propre à séduire qu'une acceptation empressée qui pourrait paraître intéressée ; n'oublions pas en effet que Silvia est habillée en soubrette Si l'on veut être poursuivie, il peut être utile de fuir ou de mimer la fuite ou de faire valoir les qualités de son âme. [...]
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