Dissertation à partir d'une citation de Jean Vilar ; « Ce miroir de l'homme, le théâtre, avec quelle merveilleuse adresse il nous trompe. Et il faut qu'il nous trompe, et il faut qu'il nous flatte. Ce n'est pas pour rien que les grandes oeuvres poétiques de la scène se terminent par l'image sublimée du héros, fût-il immonde. ».
[...] Néron sème le mal et la mort de façon consciente et délibérée - et pourtant, Racine fait de lui un personnage également magnifié, et cela par des vers éloquentes et cinglants : Non que, si jusque-là j'avais pu vous complaire, Je n'eusse pris plaisir, madame, à vous céder Ce pouvoir que vos cris semblaient redemander ; Mais Rome veut un maître, et non une maîtresse. (Néron à sa mère Agrippine) L'on peut cependant distinguer un second type d'immonde ; celui qui est involontaire, dicté par des défauts, des pulsions humaines. L'on citera par exemple de Phèdre qui se consume d'amour pour son beau-fils, Hippolyte. Elle est finalement incapable de refouler cette pulsion d'inceste et lui déclare son amour ; ce secret dévoilé signera par la suite la mort des deux personnages. [...]
[...] Ce miroir de l'homme est-il donc incapable de mentir ? Mais voilà que Vilar ajoute qu'il faut que ce même miroir à la merveilleuse adresse nous trompe et nous flatte. Pire encore, ce n'est pas un reproche mais un constat ; Vilar estime que le théâtre se doit de nous mentir pour nous flatter. Mais pourquoi le théâtre, s'il représente des hommes aux intrigues et aux sentiments tout à fait humains, cherche-t- il à nous mentir ? Le spectateur a tout simplement besoin de croire que les personnages qui évoluent sur scène sont ses pairs, ses semblables. [...]
[...] Le spectateur doit être trompé et flatté - et il l'est. Au service de cet art du mensonge et du compliment se trouvent le talent et l'éloquence de l'auteur (et donc de ses personnages), ainsi que le dessein inavoué de la catharsis, plaisir ultime de la représentation théâtrale pour le spectateur. Que dire sinon que le théâtre est donc bel et bien un miroir de l'homme ; certes, son reflet n'est pas toujours exact, et il arrive qu'il soit parfois légèrement déformé et grossi - mais après tout, c'est pour mieux nous flatter. [...]
[...] L'inceste ou le meurtre n'ont rien des valeurs que prône la société du XVIIe siècle . Comment alors expliquer que c'est le reflet que nous renvoie ce théâtre- miroir ? C'est qu'il s'agit en réalité plus d'une loupe que d'un miroir, puisque même si la société condamne l'immonde des tragédies classiques (notamment la jalousie meurtrière de Roxane (Bajazet), ou le meurtre de Camille légitimé au nom de l'honneur (Horace, Corneille)), les hommes ne sont pas exempts des défauts et des pulsions immorales qu'elles présentent. [...]
[...] Le théâtre peut être considéré comme un miroir de l'homme en ce sens où les personnages joués sont toujours humains - tant par leur constitution que par leur caractère. C'est donc un théâtre qui exploite les scènes de la vie courante, les qualités et les défauts que chacun de nous peut avoir. Les comédies de moeurs du XVIIe par exemple, sont un genre théâtral où sont dénoncés, avec plus ou moins de virulence, les travers d'une époque, d'un groupe ou d'une classe sociale, ou les institutions et les valeurs en vigueur à une époque donnée. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture