Commentaire composé entièrement rédigé d'un extrait de l'oeuvre de Diderot "Supplément au voyage de Bougainville". Le passage étudié ici est le discours du vieillard (de "laissons nos moeurs" à "chimériques"). Etude menée en trois axes qui tente de montrer les implications philosophiques de Diderot dans ce texte.
[...] Le Tahitien s'adresse à Bougainville, représentant du monde occidental, en utilisant la seconde personne du singulier. Si ce choix peut être incombé à l'habitude langagière du peuple tahitien, on peut toutefois comprendre ce comme la volonté de ne pas associer un individu à l'ensemble de la société occidentale. Cela inviterait-il le lecteur à considérer l'allocutaire du Tahitien comme un exemple à ne pas suivre? Ainsi le discours du vieux Tahitien s'explique-t-il à la fois comme une revendication pleine de fierté d'une vie en harmonie avec la nature, expression d'une simplicité heureuse, et comme la réaction véhémente d'un homme qui ne veut pas que soit étendue à outrance la culture occidentale. [...]
[...] Les propos du Vieillard constituent, en fait, une riposte au mépris de Bougainville. Lorsque le Tahitien lance : "Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins superflus il établit l'absence de "besoins superflus" comme la cause principale de la condescendance du voyageur occidental. Que se cache-t-il derrière cet oxymore sans doute cette capacité qu'a l'homme occidental de se créer des "besoins", c'est-à-dire de considérer ses envies comme nécessaires et vitales. Aussi peut-on apprécier l'ironie contenue dans l'expression pronominale réfléchie "nous n'avons pas su nous faire" qui s'apparente à un aveu d'impuissance. [...]
[...] En quoi cette intervention apparaît-elle aussi comme une réaction au comportement méprisant du visiteur occidental? N'est-ce pas aussi, pour Diderot, un moyen détourné d'interpeller ses contemporains et de dénoncer une idéologie trop forte qui mettrait intempestivement l'Occident sur un piédestal? Il convient avant tout de remarquer quel personnage Diderot choisit pour incarner le mythe du bon sauvage. En effet, dans notre extrait, sont rapportées les paroles d'un vieux Tahitien. La principale caractérisation du locuteur est donc son âge. Cette donnée est d'autant plus importante que nous sommes plongés dans une société archaïque. [...]
[...] À chaque besoin, une réponse adéquate. On peut noter ici l'emploi du présent de répétition. "Lorsque" pourrait être remplacé par chaque fois que". Ce que cherche à souligner ici le personnage c'est que son peuple possède "tout ce qui leur est nécessaire et bon". Le Tahitien ne s'arrête pas à la simple opposition entre besoin et envie. Il sait que derrière cela se cache un des fondements les plus essentiels de toute société : la place donnée au travail. Il y a selon lui "une limite" à ne pas franchir. [...]
[...] L'occidentalisme, comme toute idéologie, tente de prendre sur les autres sous couvert qu'elle est la meilleure. L'intervention du vieillard peut donc être appréciée, dans cette optique, comme simplement une revendication de liberté et un appel aux respect de l'altérité. Le refus du Vieillard d'échanger la Connaissance des occidentaux contre l'ignorance de son peuple intrigue. Effectivement, Diderot prend soin d'employer le terme de "lumières", métaphore appréciée à son siècle et qui ne doit pas laisser de marbre ses lecteurs de l'époque. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture