Parmi un groupe de femmes, je reconnus Mathilde. Tout en elle était si différent, mais pourtant si semblable... Elle s'était transformée, mais dès que je l'eus aperçue je sus reconnaître en elle cette femme belle et fraîche qui avait tant compté pour moi. Si sa fraîcheur avait été volée par le temps, il n'en était que trop différent de sa beauté (...)
[...] Son front ridé, ses joues creusées, ses mains abîmées trahissaient sa jeunesse envolée, dévoilant une femme usée et meurtrie par un combat incessant contre la mort, mûrie par les évènements inévitables de la vie. J'arrachai mon regard de son visage pour scruter son corps dans son entier. Sa poitrine s'était affaissée et ses bras affaiblis, mais elle était toujours mince et droite, les épaules descendues. Bercée par le jeu d'ombres et de lumières du soir, elle paraissait tout droit venue d'un rêve ; une illusion ; un souvenir nostalgique qui hantait mon esprit, car elle conservait, en dépit de ses traits vieillis, les vestiges de sa beauté d'autrefois. [...]
[...] Si sa fraîcheur avait été volée par le temps, il n'en était que trop différent de sa beauté : comme un fruit trop mûr dont la peau s'est flétrie mais dont le jus s'est sucré, Mathilde avait vieilli mais il émanait d'elle une grandeur d'âme et un charme irrésistibles. Sous le délicat halo de lumière qu'offrait la lune dans le ciel nébuleux, la femme vieillie rayonnait par la blancheur de son teint. Ses cheveux sombres, masqués par l'ombre de la nuit, étaient remontés en un chignon négligé duquel s'échappaient quelques mèches rebelles. [...]
[...] Ses lèvres autrefois saillantes et rieuses s'étaient affinées et parées d'un air sévère et majestueux. Je remarquai que même ses yeux avaient changé d'expression : jadis, ceux-ci étaient rieurs, gourmands, alertes. Ce soir-là, ils étaient fatigués, grisâtres, sombres, bien que toujours envoutants et d'une grande beauté. J'observai son regard sombre et profond, son nez court et droit, sa posture droite et fière, son expression digne et même son cou haut-tenu et fin : tout en elle respirait à la fois la dignité d'une femme humble et la douleur causée par le fardeau du temps. [...]
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