Faisons une expérience : prenons un spectateur A standard, un acteur B standard, un texte C standard, une salle D standard... enfin vous m'avez compris. Prenez A, mettez-le dans D. Prenez B, plantez-le face à A et faites lui lire C, sans intonation particulière... Observons les résultats : au bout d'un quart d'heure, A baille. Au bout d'une demi-heure, il s'assoupit, mais un minimum de bienséance le tient éveillé. Quelques minutes plus tard, la bienséance s'est évaporée et A dort profondément. A la fin de la pièce, on le réveille ; il n'a pas suivi l'intrigue, car l'absence de sentiments crédibles l'a plongé dans une léthargie totale ; il n'est pas satisfait du peu qu'il a vu et encore moins du fait d'avoir été réveillé en sursaut (...)
[...] Enfin, et surtout malgré toutes ces missions diverses et variées, il ne faut pas oublier le rôle esthétique du théâtre. Pourquoi serait-il un art, s'il n'avait pour but que de distraire, d'instruire ou d'être une copie plus colorée ou plus noire de la vie ? Et comme l'a écrit Michel Cournot, nous venons aussi au théâtre pour entendre et voir de belles choses, des choses justes et bien dites Sur ce, profitez bien de votre apprentissage ici ; bonne chance et bon courage ! [...]
[...] Composez ce discours dans lequel vous devrez faire comprendre aux nouveaux venus leur mission d'acteurs. Mesdemoiselles, messieurs ou mesdames, pardonnez mon oubli Bienvenue ! Vous êtes inscrits, cette année, dans cette école pour devenir acteurs, ou, du moins, essayer. Sans vouloir le moins du monde vous décourager, il s'agit d'une tâche peu aisée, longue et pas toujours couronnée de succès. Mais passons. Puisque vous semblez décidés, il me paraît primordial de vous rappeler les missions de l'acteur. Cela pourra vous sembler pompeux de parler ainsi, mais nous avons une tâche, ou pour ainsi dire un rôle à remplir. [...]
[...] Sans lui, le théâtre n'a plus vraiment de raison d'être. Premièrement, le public vient au théâtre pour se distraire. Elémentaire, me dires-vous : nous autres acteurs ou futurs acteurs, dans votre cas, avons déjà tous été public. Mais maintenant se pose la question de la manière de distraire ce public. Comment lui faire oublier, pendant une heure ou deux, sa petite vie ennuyeuse ? D'après Victor Hugo, la première chose est de lui fournir une action, une histoire. Voilà pourquoi vous devrez endosser des personnalités, qui ne seront pas forcément les vôtres, pour ensuite faire vivre une intrigue sous les yeux du spectateur, dans le but de les distraire. [...]
[...] A la fin de la pièce, on le réveille ; il n'a pas suivi l'intrigue, car l'absence de sentiments crédibles l'a plongé dans une léthargie totale ; il n'est pas satisfait du peu qu'il a vu et encore moins du fait d'avoir été réveillé en sursaut. Résultat : A hue B avant de quitter furieux, et B se retrouve comme un idiot avec C entre les mains. Maintenant, réitérons l'expérience avec de l'intonation et tous les sentiments nécessaires à la crédibilité du texte. [...]
[...] Enfin, A applaudit avant de quitter D à regret, la voix de B lisant encore C à ses oreilles. L'expérience numéro deux est nettement plus concluante, non ? Voilà pourquoi nous avons tout intérêt à ne jamais oublier de donner vie aux sentiments, pour mieux les partager avec les spectateurs. Certains, ô espèce rare, en voie de disparition, viennent au théâtre pour réfléchir. Molière l'avait bien compris ; c'est pourquoi il se servait du théâtre pour instruire. Si les deux clauses précédentes de notre cahier des charges ont été remplies, il est possible d'inciter le spectateur, dont nous aurons gagné les faveurs en le divertissant, à réfléchir un peu. [...]
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