Le romantisme, qui encourage l'expression du "moi", s'écrit d'abord à la première personne et cette sorte de poésie lyrique exalte le "je". Or, Chateaubriand aussi bien que Stendhal s'inscrivent dans la continuité d'un genre aux multiples facettes qui naît véritablement avec Rousseau. Effet de mode ou besoin profond et intime, il convient alors de s'interroger sur les raisons qui poussent l'écrivain à écrire le récit de sa vie (...)
[...] En effet, il importe de comprendre l'autobiographie dans ses deux dimensions temporelles essentielles : sa dimension psychologique individuelle tout d'abord, qui est l'examen des différents âges de la vie et l'attitude que l'on adopte par rapport au temps ; sa dimension historico- politique ensuite, qui ne concerne pas seulement le temps physiologique ou psychologique mais qui replace l'œuvre dans un contexte historique. Chez Stendhal, il s'agit en effet de 1789 et de la monarchie de Juillet, comme temps de l'écriture, chez Chateaubriand de l'ancien régime et des temps modernes. Le travail de rétrospection ne peut se faire que parce qu'il est inscrit dans ce contexte historique. [...]
[...] Cette expérience que l'écrivain a faite de l'écriture dans d'autres genres servira ensuite pour l'autobiographie, même si cette affirmation n'est qu'en partie vraie pour Stendhal, pour qui La Vie de Henry Brulard serait plutôt un tremplin qui permettra l'écriture de La Chartreuse. Vient alors le temps de la rétrospection et celui de l'autobiographie, celui de cette tentative de réponse au connais-toi toi- même réponse qui prendrait sa source dans les blessures de l'enfance : l'enfance prend alors le double statut d'objet et de source d'un discours qui se veut totalisant. [...]
[...] Pourtant paradoxalement, c'est bien la vie de Henry Brulard qui sera le tremplin qui permettra l'écriture de la Chartreuse de Parme. Quant à Chateaubriand, ce chercheur nostalgique des moments passés, tourné vers nulle autre perspective que la tombe, il écrit dans le quatrième libre des Mémoires, au soir de sa vie, que dans la vie pesée à son poids léger ( il n'est que deux choses vraies : la religion avec l'intelligence, l'amour avec la jeunesse, c'est-à-dire l'avenir et le présent comme s'il acceptait enfin son passé et le reconnaissait comme tel. [...]
[...] Le dialogue entre deux temps également : le temps du récit et le temps de l'écriture écrit Béatrice Didier dans sa préface de La Vie de Henry Brulard. Cependant, c'est souvent par cette contemplation de sa vie que l'écrivain peut éprouver l'impression d'arrêter le cours du temps finalement, puisqu'il peut, grâce à la réminiscence, retrouver les moments privilégiés qu'il a vécus dans un passé pourtant révolu. * * * Pourtant, et c'est là que les raisons de l'autobiographie prennent tout leur sens, il ne s'agit pas uniquement d'une œuvre inscrite dans un contexte historique pour répondre à la question de la connaissance de soi sous forme d'un bilan terminal ; cette réponse que l'écrivain recherche et qui est beaucoup plus large est en fait le texte lui-même. [...]
[...] Pour lui, la réponse à cette question n'est pas celle d'une synthèse artificielle de l'existence mais bien l'exhibition de la réalité historique comme sa signification même. Or, Stendhal n'utilise pas du tout les mêmes procédés : en effet, on peut noter dans le souvenir stendhalien le contraste entre la netteté de certains détails et les trous de mémoire au moment le plus important souvent. Or, c'est finalement de ces manques que naît la valeur de son autobiographie : c'est le dialogue entre deux je d'un écart maximum, celui de l'enfant raconté et celui de l'adulte qui raconte. [...]
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