Pluralité des langages et diffraction de soi : Rendre compte d'un Salon c'est avoir à se ramifier, c'est devenir un être pluriel tout en parlant plusieurs langages. La dispersion de soi au gré de la manière des différents artistes est une grande ivresse. La fonction de l'ami (Grimm) qui attend la copie n'est pas seulement de susciter la multiplication de soi, elle appelle aussi la mise en forme d'un jugement, la stabilisation des concepts, l'énoncé clair où les impressions se fixent et se déterminent. Diderot annexe la critique d'art à la littérature (...)
[...] Le triomphe des Lumières semble s'être accompli au détriment des arts. Les énergies en art: Diderot considère la morale de l'énergie, par-delà l'opposition du vice et de la vertu, comme la condition première de la grandeur de l'art. Il expose le projet d'un retour aux énergies premières, d'une régénération de l'art par les ressources d'une nature rendue à sa vigueur originelle et plénière. Conclusion: La réflexion lucide, avertie, habile doit parvenir à susciter les images, les gestes, les accents qui provoqueront la terreur et les larmes. [...]
[...] Comment rendre la description efficace? Comment donner à voir un tableau par le langage? Dans le Salon de 1767, Diderot s'avise d'un procédé qui fait appel à l'intrusion imaginaire du spectateur à l'intérieur de l'espace pictural (cf. 301, Le Prince L'analyse, la jouissance tournent ainsi à la promenade accompagnée, au relevé topographique établi sur le vif. Un tableau se lit selon les règles de la rhétorique et doit donc être clair et composé. Diderot n'est pas indulgent pour ceux qui ne respectent pas ces règles. [...]
[...] La hiérarchie formelle des genres s'estompe. Ce qui a par exemple plu à Diderot dans la peinture morale de Greuze, c'est la rencontre de l'exactitude du genre et du sérieux de l'histoire Arts, sentiments et technique: Les arts sont liés à la vie du sentiment, qui n'est vraiment le sentiment que s'il est mobile, variable, porté aux excès, déployé en mille nuances. La peinture est l'art d'arriver à l'âme par l'entremise des yeux La peinture, comme le théâtre et la poésie, doit éveiller une émotion par la scène qu'elle présente, et la vérité de la représentation se juge en fonction de l'intensité de l'émotion suscitée. [...]
[...] Le triomphe de la magie picturale, c'est qu'on oublie que l'on se trouve devant un tableau: on explore la vérité sensible du monde (exemple emblématique: la promenade Vernet). Le paysagiste démiurge nous ouvre un espace naturel. La chose dévoilée est à la fois chose mentale et objet matériel. La belle peinture est celle qui fait connaître, dans une fiction persuasive, la variété et la richesse sensible des phénomènes. Elle révèle les choses du monde et la conscience qui a su les rejoindre. [...]
[...] L'artiste philosophe exploite le sentiment de la perte, met à profit la connaissance qu'il a prise de tout un monde révolu, pour en mimer avec sûreté les lignes pures et les élans ( la préférence de Diderot va aux œuvres achevées plutôt qu'aux esquisses). La critique naît en s'attribuant la faculté d'évincer l'art, de parler à sa place, tout en regrettant les époques où l'art était le produit des énergies naïves. Elle regarde en arrière. Elle est un art second, un art par-delà les arts. [...]
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